Des aveux, mais « pas totalement »: l’ex-chirurgien pédophile Joël Le Scouarnec a concédé mercredi pour la première fois des faits de viols sur ses deux nièces lors de son procès à huis-clos à Saintes, mais a refusé ces mêmes aveux concernant la petite voisine de Jonzac, ce « petit héros » qui l’avait dénoncé en 2017, point de départ d’une affaire hors normes.
« C’est la première fois qu’il reconnaît des pénétrations, c’est un vrai soulagement pour les victimes », « une avancée énorme », a indiqué Me Delphine Driguez, l’avocate des deux nièces Helena* et Aurélie*, âgées aujourd’hui de 30 et 35 ans, au sortir de leur confrontation avec l’accusé.
Dans ce dossier, à côté des atteintes sexuelles, l’ex-chirurgien, jugé depuis lundi par la cour d’Assises de Charente-Maritime, n’est poursuivi pour viol que pour la première.
Depuis son arrestation en 2017 dans ce dossier qui compte quatre victimes au total, l’accusé avait reconnu des agressions sexuelles mais avait toujours nié les faits de viols, punissables de 20 ans de réclusion criminelle.
Au début de son procès, il semblait encore tenir cette ligne, apparaissant « froid » et « fermé » aux questions, mais l’ex-chirurgien a semblé fendre l’armure mercredi, veille attendue du verdict. Ce sera aussi le jour de son 70e anniversaire.
« Il a clairement reconnu les viols sur les victimes qui étaient présentes aujourd’hui à l’audience, les prescrites et non prescrites », dont ses deux nièces, les filles de sa soeur, a précisé leur avocate. « Tout ce qu’elles disent est vrai », a lancé l’accusé depuis son box, selon plusieurs avocats.
« L’une des deux a réussi à le faire craquer. Il a pleuré », a relaté à son tour l’avocat de l’association partie civile La Voix de l’Enfant, Frédéric Benoist, dans la salle des pas perdus du palais de justice néo-classique. « C’était difficile de ne pas le reconnaître, il y avait tout dans le dossier » : des photos « insoutenables », des écrits relatant leur agression, a insisté Me Driguez.
Le chirurgien à la retraite est jugé pour agressions sexuelles sur sa nièce Aurélie* dans les années 90 à Loches (Indre-et-Loire) et une patiente, Amélie* ainsi que pour des faits de viols sur Héléna*, l’autre nièce à la même période et sur Lucie* sa petite voisine à Jonzac. Un « petit héros », selon son avocate Me Francesca Satta, qui avait permis l’arrestation du chirurgien en mai 2017, mettant fin à un itinéraire de pédophile autoproclamé dans ses écrits, sur plus de 30 ans.
Le « même courage »
En avril 2017, la fillette avait confié à ses parents que l’homme avait montré son « zizi » à travers la clôture affaissée du jardin mitoyen avant de révéler un viol digital, confirmé par des expertises.
Elle avait ainsi contribué à révéler une gigantesque affaire de pédophilie guidée par les écrits glaçants du chirurgien retrouvés chez lui, relatant une litanie de sévices sexuels. Depuis octobre, il est mis en examen à Lorient (Morbihan) dans un deuxième volet pour viols et agressions sexuelles sur 312 victimes potentielles identifiées à la lumière de « carnets » tenus pendant près de 30 ans. Il a reconnu certains faits.
Pour Lucie*, Me Satta espérait mercredi de l’accusé « le même courage » pour passer aux aveux mais se montrait prudente : « On a une façade qui commence à s’effondrer, mais pas totalement ». Malgré la confrontation avec la mère de la fillette en fin de journée, l’accusé a de fait continué à nier l’avoir violée, a indiqué à l’AFP son avocat Me Thibaut Kurzawa, affirmant que l’accusé « n’a pas le souvenir » du viol.
Les aveux de Le Scouarnec sont « très stratégiques », a estimé Me Satta, évoquant la « manipulation » et la « domination » de l’accusé : « Il est dans un échiquier et il avance plutôt bien ses pions ».
Dans les « carnets » du chirurgien consultés par l’AFP, le chirurgien faisait état de fantasmes sur la fillette épiée depuis sa maison durant près de 2 ans, mais aucun acte sexuel n’y est relaté. Son journal s’arrête subitement quelques semaines avant son arrestation, le 2 mai 2017.
L’accusé avait déjà fait un pas mardi en avouant des viols sur trois anciennes victimes écartées du dossier en raison de la prescription, des aveux pour des faits au milieu des années 80, notamment sur une autre nièce et une ancienne voisine, qui ont ouvert une brèche dans le procès.
* prénoms modifiés