Au Maroc, la proposition de perte de la nationalité suscite l’indignation de la communauté juive marocaine
Narjis Rerhaye (A Rabat)
Dernière réaction en date, et pas des moindres, celle de Serge Berdugo, le Secrétaire général du Conseil de la communauté israélite du Maroc qui considère qu’une telle proposition de loi n’est pas "pragmatique", "impossible à réaliser" et " risquant de poser un problème constitutionnel".
"Comment le législateur marocain va-t-il enquêter pour savoir qui habite dans quoi en Israël ? Et par quels moyens arrivera-t-il à cette fin ? Mon sentiment est qu’il n’y a pas beaucoup de Marocains résidant dans des colonies, mais supposons qu’on y trouve des Marocaines, musulmanes, mariées à des Palestiniens. Tout ça est absurde. Ça fait 30 ans que je travaille sur ce genre de problèmes et j’ai eus des relations très intimes avec la plupart des leaders palestiniens, je sais très bien que ça ne peut être leur point de vue. Ce qui les motive, c’est d’avoir un État dans la dignité et éviter les boucheries", a –t-il déclaré à nos confrères de Telquel.
C’est en rencontrant Khaled Mechaal à la fin du mois de décembre à Rabat qu’Ilyas Elomari a assuré le leader du mouvement islamiste palestinien, Hamas, que le PAM est en train de plancher sur une proposition de loi relative à la déchéance de la nationalité marocaine des colons israéliens en Cisjordanie. Une sorte de promesse du chef de parti marocain au Palestinien à la tête de Hamas.
Elomari a-t-il voulu faire plus fort que les autres responsables de partis marocains rencontrés par Mechaal ? A-t-il voulu voler la vedette aux islamistes du PJD et hôte du leader palestinien ? Du côté du groupe parlementaire du "Parti Authenticité et Modernité" à la chambre basse, on tente d’assurer le service après vente.
La proposition de loi devait sortir en 2015 en coordination avec d’autres formations politiques, assurent les députés pamistes. Disparu depuis des radars, le texte fait sa réapparition après la décision du président américain de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël. Au sein du groupe parlementaire du PAM, on n’en est pas encore au rétropédalage, mais le propos est plus prudent.
La proposition de déchéance de la nationalité des colons juifs d’origine marocaine établis en Cisjordanie ne sera déposé au bureau du parlement qu’après validation du bureau politique du "Parti Authenticité et Modernité. "Nous allons encore discuter en interne, c’est une décision politique, on doit être en harmonie avec la diplomatie officielle du Maroc, et nous espérons avoir également le soutien des autres groupes parlementaires", a affirmé au site d’information H24 le président du groupe parlementaire PAM à la chambre des députés.
Au Maroc, la perte et la déchéance de la nationalité sont clairement définies par les articles 19 et 20 du code de la nationalité marocaine. La suprématie de l’intérêt national est le principal motif de la perte de la nationalité pour un Marocain quand il n’en fait pas lui-même la demande en cas de double nationalité. En effet, la loi dispose que "le Marocain qui, remplissant une mission ou occupant un emploi dans un service public d’un Etat étranger ou dans une armée étrangère, le conserve plus de six mois après l’injonction qui lui aura été faite par le gouvernement marocain de le résigner, lorsque ladite mission ou emploi est contraire à l’intérêt national".
La proposition de loi, toujours en discussion dans les murs du principal parti d’opposition marocain, sera-t-elle mort-née comme le suppose la classe politique ? En tout cas, l’affaire est prise très au sérieux par la communauté juive marocaine. Selon la newsletter Middle East Monitor, les juifs d’origine marocaine ont lancé un appel au roi Mohammed VI pour que soit "bloqué" le projet du "Parti Authenticité et Modernité".