Le journal Le Monde vote contre Sarkozy
Victoire sans appel du projet Bergé-Niel-Pigasse. Mais l’équipe Perdriel-Orange-Prisa maintient sa candidature devant le conseil de surveillance de lundi.
Pourtant, la bagarre n’est pas finie puisque, "à la demande des administrateurs", Claude Perdriel maintient sa candidature devant le conseil de surveillance de ce lundi 28. L’entrée au capital des nouveaux patrons du groupe de presse pourrait être effective dès le premier versement de 10 millions d’euros. Il est attendu au plus tôt pour éviter la crise financière qui menace le groupe.
Pierre Bergé a promis d’injecter 10 millions d’euros
Depuis quelques jours, la cote du projet du banquier de Lazard, du cofondateur d’Yves Saint Laurent et du patron de Free était au plus haut. Leur candidature a reçu un coup de pouce inespéré en début de mois avec l’intervention de Nicolas Sarkozy. Convoqué à l’Elysée, Eric Fottorino, président du directoire du groupe La Vie-Le Monde, se fera l’écho des pressions exercées par le chef de l’Etat contre la candidature BNP. Et d’attaques ciblées virulentes à l’encontre de l’un des partenaires: Xavier Niel. Certains ont aussi vu la main de l’Elysée derrière l’arrivée tardive de France Télécom au secours de l’offre Perdriel, fragile financièrement. Enfin, l’influence d’Alain Minc, proche de l’Elysée, dans le rapprochement entre le patron du Nouvel Obs et de l’espagnol Prisa a fini de faire pencher la balance.
La politisation du dossier achèvera de souder un pôle d’indépendance constitué quelques jours plus tôt pour fédérer journalistes, employés, cadres, lecteurs, etc. "L’intervention de Nicolas Sarkozy a compté. Mais ce n’est pas ce qui nous a déterminés", assure-t-on du côté des rédacteurs. Reste que le personnel du groupe a commencé à regarder d’un œil beaucoup plus conciliant la candidature à la sensibilité socialiste revendiquée : Matthieu Pigasse est proche de Dominique Strauss-Khan, comme Pierre Bergé l’a été de François Mitterrand.
Pour conforter la bienveillance de ce bloc d’actionnaires majoritaires, le trio gagnant n’a pas ménagé ses efforts, multipliant rencontres et présentations avec tous les actionnaires internes. Surtout, il n’a pas hésité à lâcher du lest sur plusieurs points clés de la future gouvernance du groupe. Pierre Bergé a promis d’injecter 10 millions d’euros afin d’offrir une minorité de blocage aux salariés. "Ils ont fait fort, car nous, nous n’en demandions pas tant", reconnaît Véronique Brocard, représentante des salariés de La Vie catholique. Lors de la dernière rencontre, jeudi, Xavier Niel a impressionné les journalistes par son exposé sur la stratégie industrielle à déployer autour du groupe.
Autre élément qui explique l’écrasante majorité recueillie : la solidité financière du projet du trio. Mettre 110 millions d’euros, au minimum, sur la table, ne leur est pas problématique. En revanche, dans le camp adverse, Claude Perdriel n’a bouclé son tour de table que la semaine dernière avec son partenaire financier, France Télécom.
"Il y a un aspect mécénat dans la démarche de Pierre Bergé et de Xavier Niel. Nous voulons croire dans leur désintérêt et dans l’indépendance éditoriale du titre qu’elle peut entraîner", insistait hier Gilles Van Kote, à l’issue du dépouillement. Enfin, le patron du Nouvel Obs n’a jamais fait mystère des synergies qu’il entendait créer avec les deux groupes, et à la réduction d’effectifs qu’elles allaient entraîner.