Le poison lent du tweet de Trierweiler : un feuilleton politique plus qu’un drame conjugal
Journaux et livres : le trio Hollande-Trierweiler-Royal continue de nourrir une abondante littérature, surtout depuis l’affaire du tweet de la compagne actuelle du président de la République. Comment en est-on arrivé là ? La réponse se trouve dans le livre de Laurent Binet « Rien ne se passe comme prévu ».
En revanche, force est de constater que les conséquences publiques de ce que fut, et qu’est encore, la vie privée de François Hollande, ses relations avec Valérie Trierweiler et Ségolène Royal, persistent à demeurer un sujet permanent de la vie politique, donc médiatique.
Un drame bourgeois comme il s’en joue des milliers en France ?
Cette semaine encore, l’hebdomadaire "Marianne" consacre sa une et un dossier complet au "trio infernal", le tout à l’occasion de la sortie d’un livre, "Entre deux feux", coécrit par Anna Cabana et Anne Rosencher.
Qui a lu ne peut plus rien ignorer du drame chabrolien, noces roses plus que rouges puisque socialistes, qui se joue depuis près de dix ans, scènes d’une vie de province adaptées et transposées dans le Paris des années 2000 et dont "l’affaire du tweet" fut le climax (provisoire ?).
Pourquoi encore et toujours cette histoire dont notre petit doigt nous dit que l’on n’a pas fini d’en entendre parler ?
On pourrait disserter à l’envi sur l’héritage politico-people de Nicolas Sarkozy et constater que le président Hollande en fait aujourd’hui les frais. C’est à ce point évident que l’on considère le point acquis, mais insuffisant pour une explication globale du phénomène.
On pourrait ajouter que la loi d’airain de la presse, la proximité, s’impose désormais ici comme ailleurs. Se passionner pour un drame bourgeois comme il s’en joue des milliers en France, c’est très universel, surtout quand il touche le plus haut personnage de l’État. Un point acquis de plus, mais encore insuffisant.
En vérité, l’affaire est et restera politique, et quand bien même on peut estimer que cette donnée représente un bien bel alibi pour continuer à entretenir le feuilleton en rappelant les épisodes précédents, il est déjà trop tard pour stopper la machine. Désormais, la question se pose clairement : combien de temps cela va-t-il durer ?
Les semaines passent et le mystère Trierweiler demeure
À l’Élysée, certains membres de la garde rapprochée du président jugent que "l’affaire du tweet", et ce qu’elle révélait, est terminée depuis que le 14 juillet, François Hollande y a mis un terme qu’ils espèrent définitif. Mais il est d’autres socialistes qui redoutent les effets "d’un poison lent" (sic, entendu de la bouche d’une valeur montante du PS parisien) qui continuera d’agir tout au long du quinquennat, devenant de plus en plus actif et nocif au fur et à mesure que les difficultés, incontournables, se présenteront.
La lecture du livre de Laurent Binet, "Rien ne se passe comme prévu", l’écrivain qui, grâce à Valérie Trierweiler, a pu suivre les événements de la coulisse de la campagne Hollande 2012, apporte la réponse à la question en ce qu’il n’apporte aucune réponse… Justement.
Le livre de Binet, huron découvrant la réalité du monde politique, est passionnant pour ce qu’il décrit, pour les portraits des uns et des autres, de Valls à Moscovici en passant par Montebourg, Bartolone et le reste. Le professeur d’histoire livre un reportage "gonzo" (avenir du journalisme) comme on les aime, décrivant des échanges et des scènes que pas un journaliste politique classique n’aurait osé rapporter.
Il faut lire ce passage, par exemple, où les journalistes du "Hollande tour" se demandent s’ils ne sont pas tombés en pleine connivence vis-à-vis d’Hollande, comme leurs collègues du Sarko show 2007. Ou bien encore, ces quelques lignes où Binet raconte qu’Hollande a mis à contribution, pour le fameux discours du Bourget, une plume de DSK, le directeur des études à Euro-RSCG, information lourde de conséquences et que Binet délivre en toute innocence, évoquant "un certain Gilles Finchelstein".
Au bout du compte, et pour en revenir à notre thème, le livre de Binet vaut aussi par ce qu’il ne dit pas de la personne au sujet de laquelle on attendait le plus de révélations, compte tenu de sa position : Valérie Trierweiler. Hormis quelques bouts de phrase, ici et là, quelques bribes de propos, quelques saynètes où elle est mise à contribution pour régler les problèmes d’entrée dans les carrés VIP PS de notre journaliste "gonzo" occasionnel, elle est désincarnée. Présente, mais inexistante.
Le plus paradoxal, c’est qu’elle est citée très souvent, ce qui prouve qu’elle est bel et bien omniprésente tout au long de la campagne. Mais Binet n’en dit pas plus. Valérie Trierweiler apparaît à chaque page, mais elle n’y vit pas. Rien sur son rôle politique, rien sur son influence, rien sur ses relations avec les uns et les autres. Le mystère demeure.
Une relation machine à fantasmes
Dans la mesure où c’est elle qui a imposé la présence de l’écrivain dans les bagages de la campagne, cette réserve de l’auteur s’explique. La connivence, c’est aussi le respect de ceux à qui vous devez votre place privilégiée d’informateur et Laurent Binet, à son insu, l’a intégré (et il n’y a pas de mal à cela, contrairement à ce que pensent ceux qui n’ont jamais fait de journalisme).
Du coup, on sort de la lecture du livre de Binet avec l’envie d’en savoir plus. Et l’on se plonge dans la lecture du livre de Cabana et Rosencher dans ce but. La mécanique est ainsi faite, personne n’échappe à sa curiosité. Et tant que l’on ne saura pas quel rôle réel joue Valérie Trierweiler auprès de François Hollande, la machine à fantasmes sera alimentée par les médias. CQFD.
Il est cependant une anecdote présente dans le livre de Laurent Binet qui mérite que l’on s’y arrête, car c’est l’un des rares moments où l’on voit le couple Trierweiler-Hollande livrer un petit bout de la vérité de son fonctionnement. Et mieux encore, compte tenu de ce qui s’est passé depuis, cette anecdote prend une saveur particulière.
Le 6 mai à Tulle, jour de second tour de l’élection présidentielle, lors de son déjeuner, devant des proches, François Hollande s’explique sur la naissance de sa célèbre anaphore du débat de l’entre deux tours "Moi, président de la République". Il dit que cela n’était pas préparé, et confie que d’une certaine façon, c’est Laurence Ferrari, présentatrice du débat, qui lui a soufflé l’idée en lui posant la question "Vous, président de la République, que ferez-vous ?"
Hollande s’en amuse, et lance ironiquement à sa compagne : "Je n’aurai jamais assez de gratitude pour elle ha ha ! Je devrais peut être lui envoyer un petit mot, hein Valérie ?" Et la réponse, qui fuse, sur un ton tout aussi ironique : "Oui, oui, bonne idée… Tu veux que je le tweete ?"