Yémen: les combats s’intensifient à Aden, les Saoudiens appellent au dialogue

Pour la deuxième journée consécutive, la grande ville d’Aden, dans le sud du Yémen, a été le théâtre de violents combats lundi entre forces séparatistes et gouvernementales, qui ont désormais recours aux chars et à l’artillerie lourde tandis que les habitants restent terrés chez eux.

Le Yémen du sud était un Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord en 1990, et le mouvement séparatiste est resté très puissant.

Les évènements d’Aden ont donné une nouvelle dimension à un conflit extrêmement complexe qui ravage depuis trois ans ce pays pauvre de la péninsule arabique, avec pour toile de fond la rivalité régionale Arabie saoudite-Iran.

Lundi, les violences à Aden ont fait au moins neuf morts -cinq séparatistes et quatre soldats-, ont indiqué à l’AFP des sources militaires. La veille, le bilan s’était établi à 15 morts et 122 blessés, dont des civils.

La coalition militaire sous commandement saoudien, qui intervient au Yémen depuis 2015 en soutien au gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, a appelé à des négociations.

Son porte-parole, le colonel saoudien Turki al-Maliki, a demandé aux séparatistes de "parler avec le gouvernement légitime", charge à celui-ci "d’examiner les demandes du mouvement social et politique" représenté par les séparatistes.

Ces séparatistes étaient préalablement alliés au gouvernement du président Hadi, qui est réfugié en Arabie saoudite. Mais la situation s’est tendue en avril 2017 quand M. Hadi a limogé le gouverneur d’Aden, Aidarous al-Zoubaidi: celui-ci a formé dans la foulée un Conseil de transition du sud, une autorité parallèle dominée par des séparatistes.

Ce Conseil avait fixé un ultimatum la semaine dernière à M. Hadi exigeant notamment le départ du Premier ministre Ahmed ben Dagher et des "changements au gouvernement", accusé de "corruption".

Cet ultimatum a expiré dimanche matin et des combats ont aussitôt éclaté en ville entre forces séparatistes et unités gouvernementales, aboutissant à la prise du siège transitoire du gouvernement et d’autres installations par les séparatistes, selon des sources militaires.

‘Tirs toute la nuit’

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a fait état de combats nocturnes, "y compris à l’arme lourde", dans un tweet du chef de sa délégation au Yémen, Alexandre Faite.

Dans un communiqué, la France a "condamné" les violences et appelé "toutes les parties" à accorder un accès "sans entrave" à l’aide humanitaire et à reprendre le "dialogue" pour trouver une issue au conflit.

Lundi matin, des sources sécuritaires ont indiqué à l’AFP que les séparatistes faisaient venir des renforts supplémentaires depuis les provinces d’Abyane (sud) et de Marib (centre).

Dans la province d’Abyane, ces forces se sont heurtées à des unités gouvernementales, mais elles ont réussi à poursuivre leur progression, ont précisé ces sources.

En matinée, des combattants séparatistes venant de l’extérieur de la ville ont tenté de prendre le contrôle d’un camp dans le nord d’Aden, où étaient retranchés quelque 300 soldats pro-Hadi, a indiqué un responsable militaire.

Les combats se sont intensifiés en milieu de journée. Selon des sources militaires, cinq combattants séparatistes ont été tués par des tireurs embusqués et quatre soldats loyalistes ont trouvé la mort dans des échanges de tirs.

Au milieu des tirs de chars de combat et de pièces d’artillerie lourde, Aden était totalement paralysée. Les rues étaient désertes dans de nombreux quartiers, selon un vidéaste de l’AFP qui a confirmé l’utilisation de chars de combat par les belligérants. Ecoles et magasins sont pour la plupart restés fermés.

L’ONU a déclaré dans un communiqué que l’aéroport et le port d’Aden étaient fermés "jusqu’à nouvel ordre".
‘Conseil du coup de force’

Selon l’agence gouvernementale Saba, le Premier ministre s’est réuni dans la nuit de dimanche à lundi avec d’autres membres du cabinet pour discuter "des développements militaires et des actes de sabotage ayant visé des installations gouvernementales".

Ces actes sont dirigés "contre la légitimité représentée par le président Hadi", a ajouté l’agence, soulignant que le gouvernement condamne "les hors-la-loi représentés par le Conseil du coup de force".

Le gouvernement, chassé de la capitale Sanaa en septembre 2014 par des rebelles Houthis soutenus par l’Iran, a établi son siège transitoire à Aden l’année suivante.

Une coalition arabe, dominée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, est intervenue au Yémen en mars 2015 en soutien au gouvernement.

Des soldats saoudiens et émiratis sont présents à Aden, mais ils ne sont pas intervenus jusqu’ici.

Les Emirats ont entraîné et soutiennent une force appelée "Ceinture de sécurité" dans le sud. Or, cette force soutient le Conseil de transition du sud.

Le 17 janvier, l’Arabie saoudite avait annoncé qu’elle transférait deux milliards de dollars à la Banque centrale du Yémen, contrôlée par le gouvernement Hadi, pour sauver la devise et l’économie du pays.

Le gouvernement yéménite a déclaré, selon l’agence Saba, que "le camp Houthi iranien" était le premier bénéficiaire" de ce nouveau conflit. (afp)

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