Taxes américaines : l’UE porte plainte contre les États-Unis

Après l’instauration de taxes américaines sur l’acier et l’aluminium, Bruxelles a déposé une plainte auprès de l’OMC. Ottawa en a fait de même dans la soirée.

La contre-attaque se prépare à Bruxelles. La Commission européenne a lancé sa première riposte aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium en portant plainte vendredi à l’Organisation mondiale du commerce contre les États-Unis. « Les États-Unis sont en train de jouer un jeu dangereux », a averti la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, qui a annoncé, comme attendu, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, le lancement de la plainte. Ce qu’a confirmé à l’Agence France-Presse l’Organisation, basée à Genève.

Vendredi soir, le Canada a annoncé qu’il portait lui aussi plainte contre les Etats-Unis devant l’Organisation mondiale du commerce. La décision américaine d’imposer des taxes aux importations d’acier et d’aluminium vise également Ottawa. "Ces droits de douane, imposés unilatéralement sous le prétexte qu’ils garantissent la sécurité nationale des Etats-Unis, ne respectent ni les obligations commerciales internationales américaines ni les règles de l’OMC", a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland.

Parallèlement en Europe, Cecilia Malmström a fait savoir que l’UE allait porter plainte contre Pékin devant cette même OMC, pour protester contre le « transfert injuste de technologie » des entreprises européennes actives en Chine. Car, comme l’a argué Mme Malmström, les Américains se trompent de cible en s’attaquant aux Européens, leurs alliés traditionnels. Le principal ennemi, c’est la Chine, selon elle. « Nous aussi nous avons souffert des surcapacités dues au dumping qui est principalement causé par la Chine », a commenté la commissaire suédoise. « Si les acteurs de ce monde ne respectent pas les règles, alors le système risque de s’effondrer », a-t-elle prévenu.

Un « affront »

Pour Cecilia Malmström, l’annonce simultanée de ces deux plaintes « démontre que l’UE ne choisit aucun camp ». Nous défendons un système multilatéral pour un commerce mondial fondé sur des règles", a-t-elle plaidé. « Et cela démontre également notre détermination à traiter les causes profondes des tensions actuelles dans le système commercial, mais nous devons le faire dans le cadre du système fondé sur des règles et de ses remèdes », a-t-elle ajouté. L’examen de ce type de plainte à l’OMC peut cependant prendre des années. Ainsi, au cours du précédent conflit commercial sur l’acier entre l’UE et les États-Unis en 2002, la procédure avait duré un an et demi.

Face à la décision américaine redoutée depuis deux mois, inédite dans l’histoire récente des relations entre les États-Unis et leurs proches alliés, les réactions du Canada et du Mexique ont été beaucoup plus frontales. Ottawa a déjà annoncé des taxes sur 16,6 milliards de dollars canadiens (12,8 milliards de dollars américains) de produits américains. Et le Premier ministre canadien Justin Trudeau s’est emporté contre « un affront au partenariat de sécurité existant de longue date entre le Canada et les États-Unis ».

Plusieurs leviers à actionner

Le Mexique a pour sa part promis des mesures équivalentes sur divers produits » dont certains aciers, des fruits et des fromages, qui « seront en vigueur tant que le gouvernement américain n’éliminera pas les taxes imposées ». Outre sa plainte à l’OMC, l’Union européenne a deux autres armes qu’elle compte utiliser contre les USA. La Commission a déjà préparé, fin avril, une liste de produits emblématiques, dont le tabac, le bourbon, les jeans ou les motos, qu’elle pourrait lourdement taxer dès le 20 juin. Après toutefois un débat entre États membres, pour une dernière validation. « Nous pouvons utiliser une partie de cette liste, la liste entière, une partie maintenant et une autre partie plus tard », a précisé Mme Malmström.

Et pour protéger l’industrie sidérurgique européenne, l’UE prépare également des mesures dites de « sauvegarde », qui, selon les règles de l’OMC, sont possibles si un afflux soudain d’importations perturbe « sérieusement » ou menace de perturber une industrie nationale. La Commission européenne a déjà ouvert une enquête auprès des producteurs européens d’acier fin mars. Elle dispose de neuf mois pour prendre des mesures.

Risque d’escalade

Si l’impact économique des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium devrait rester limité, le risque majeur est celui d’une escalade, avec ripostes et contre-ripostes, mettant à bas l’ordre commercial mondial. L’institut de recherches Oxford Economics, rappelant que l’acier et l’aluminium ne représentent que 0,1 % des exportations européennes vers les États-Unis, estime que « le réel danger pour l’UE vient de l’absence d’une réponse stratégique au programme L’Amérique d’abord » de Donald Trump.

« Je sais que le président américain Donald Trump a un problème très particulier sur les voitures allemandes », a souligné Mme Malmström. Si les Américains décidaient de droits de douane sur les automobiles, ce « serait extrêmement inquiétant », a-t-elle reconnu. De l’avis général, la guerre commerciale serait vraiment déclarée si les États-Unis mettaient à exécution leur menace de taxer les importations de voitures, touchant au « cœur du réacteur des échanges internationaux », selon Sébastien Jean, directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). « Il faut craindre que ceci soit le début d’une évolution négative de mesures et contre-mesures, à la fin de laquelle il n’y a pas de gagnant », s’est inquiété le géant allemand Volkswagen.

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