Depuis Rome, Emmanuel Macron, en réponse aux critiques des associations et d’intellectuels, dont il a dénoncé la "confusion", a estimé qu’il fallait "se garder des faux bons sentiments", assurant que "la France n’est pas fermée".
La réunion, prévue à 15H00, avait été annoncée fin décembre, lorsque Edouard Philippe avait repris en main le dossier du recensement des migrants dans les centres d’hébergement d’urgence. Mais la polémique, devenue plus large, est en train de tourner au bras de fer.
Quelques heures avant la rencontre, plus de vingt associations actives dans l’hébergement et l’aide aux étrangers (dont la Fédération des acteurs de la solidarité, Emmaüs, le Secours catholique, Médecins sans frontières, la Fondation Abbé Pierre…) ont saisi le Conseil d’Etat pour obtenir la suspension en urgence de la circulaire du 12 décembre organisant ce recensement.
"Nous avons des arguments très sérieux et des chances réelles d’obtenir la neutralisation du système", a affirmé à l’AFP Me Patrice Spinosi, leur avocat.
Au coeur des critiques: le "véritable tri" selon leur référé auprès du Conseil d’Etat, organisé par la circulaire qui permettrait d’"utiliser" l’hébergement d’urgence pour "faciliter" l’éloignement du territoire.
Les plaignants dénoncent ainsi l’envoi d’"équipes mobiles" de fonctionnaires dans les centres, mesure "dénuée de base légale", "parfaitement contraire aux droits et libertés", et qui "porte une atteinte grave et immédiate" aux associations et à leur action.
Le démarche en urgence des associations s’accompagne d’une requête au fond – qui ne sera pas tranchée avant plusieurs mois – au nom d’une "atteinte au droit inconditionnel à l’aide d’urgence", a ajouté l’avocat.
Pour les associations, il s’agit certes d’obtenir "la réécriture de la circulaire", mais aussi de "donner un coup de pression" sur l’ensemble de la politique migratoire, a expliqué à l’AFP Florent Gueguen, de la Fédération des acteurs de la solidarité.
"Déni d’humanité"
Le projet de loi, dont les grandes lignes ont été transmises aux associations mercredi, a été conçu pour équilibrer fermeté de la lutte contre l’immigration irrégulière et amélioration de l’accueil des réfugiés.
Mais pour beaucoup d’associations, "il s’agit d’un texte déséquilibré, qui penche dans le sens des mesures coercitives", estime M. Gueguen.
Le gouvernement a laissé entendre que des inflexions étaient possibles sur l’accueil: "je suis preneur", dans le travail avec les parlementaires notamment, de "tout ce qui ira dans le sens d’un renforcement de l’insertion des réfugiés", a affirmé lundi Gérard Collomb à l’AFP.
Car le gouvernement s’emploie depuis la rentrée à un délicat travail d’explication auprès des parlementaires. "L’humanisme et le pragmatisme ne sont pas incompatibles", a assuré jeudi le délégué général de La République en marche, Christophe Castaner, sur franceinfo.
Sur ce sujet traditionnellement polémique, les critiques se sont poursuivies jeudi à gauche, Benoît Hamon dénonçant sur RTL le discours du gouvernement qui "prétend être humain" et "a la politique la plus dure depuis Nicolas Sarkozy".
Avis contraires à droite: Emmanuel Macron "va afficher de la fermeté et en réalité réaliser très peu d’actes", a affirmé Geoffroy Didier, le secrétaire général délégué de Les Républicains, en déplorant sur franceinfo une "faiblesse manifeste" sur la maîtrise des flux migratoires.
Mais des voix plus inattendues s’élèvent aussi. Les migrants ne sont pas "une vague déferlante", a affirmé Jean-Jacques Eledjam, le président de la Croix-Rouge française, peu familier des prises de positions publiques, dans une tribune à L’Obs.
Et après la conférence des évêques de France appelant à "sanctuariser les lieux d’hébergement, le prix Nobel de littérature Jean-Marie Gustave Le Clézio a dénoncé "le tri" entre migrants, y voyant "un déni d’humanité insupportable".