Marine Le Pen, l’héritière de l’extrême droite qui a tué son père
Héritière ambitieuse au tempérament orageux, Marine Le Pen a été réélue sans concurrent à la tête du Front national, le parti français d’extrême droite qu’elle entend rebaptiser dans l’espoir d’accéder au pouvoir, après en avoir exclu son sulfureux père.
Son débat télévisé qu’elle a admis "raté" face à Emmanuel Macron entre les deux tours a déçu les militants, auxquels elle a proposé, pour laver la défaite, de ravaler le parti "du sol au plafond" et de lui donner un nouveau nom.
Depuis l’élection, son proche conseiller souverainiste Florian Philippot, l’a quittée et sa très conservatrice nièce, Marion Maréchal-Le Pen, s’est retirée de la vie politique juste avant les législatives.
Marine Le Pen jure avoir encore "envie" de diriger le parti mais n’entend pas "s’éterniser" et soutiendra volontiers un successeur "mieux placé", affirme-t-elle.
Ce scrutin présidentiel marquera-t-il le point culminant de cette opposante de carrière, âgée de 49 ans, longtemps élue au Parlement européen et désormais députée dans le nord de France?
Comme sa soeur Yann, en charge des grandes manifestations frontistes, son destin s’est d’abord inscrit dans le giron du "diable de la République". "Quoi qu’il arrive, tu es mon père", avait-elle dit à Jean-Marie Le Pen après une violente brouille en 2005.
Avocate de formation, Marine Le Pen porte les couleurs frontistes pour la première fois aux législatives dès 1993.
"Enfant de la télé", bretteuse plus qu’oratrice, elle crève l’écran le soir du second tour de la présidentielle de 2002 en expliquant la victoire de Jacques Chirac sur "Le Pen" par la transformation de la France en "camp de rééducation psychologique".
A partir de là, cette grande femme, reconnaissable à sa chevelure blonde, entreprend avec le soutien de son père une ascension continue jusqu’à la présidence du parti, début 2011. Les vieux barons qui la voyaient en "night-clubbeuse" dénuée de culture politique sont progressivement écartés.
Exclusion du père
Deux fois divorcée, mère de trois enfants, aujourd’hui en couple avec l’une des figures du parti, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste sur l’économie, parent pauvre du discours frontiste. Avec au menu, une forte dose de protectionnisme et la possible sortie de l’euro pour séduire les "perdants" de la mondialisation.
La "dédiabolisation", le nom qu’elle donne à son grand oeuvre, vise surtout à débarrasser ce parti de son image antisémite et raciste. Après avoir toléré pendant des années des propos valant de multiples condamnations à Jean-Marie Le Pen, elle se résout à le faire exclure en août 2015.
"J’ai adulé cet homme", confie-t-elle le 7 mars. "Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s’arrêter".
Après une longue bataille judiciaire, le congrès de Lille a déchu dimanche Jean-Marie Le Pen de sa dernière qualité de président d’honneur. La rupture entre le père et sa fille est consommée.
Marine Le Pen le prophétisait dans son autobiographie "A Contre Flots" en 2006: "la politique nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie".
Mais elle ne renonce pas aux "fondamentaux" historiques de son parti: dénonciation de l’immigration, de l’insécurité, et de plus en plus de "l’islamisme".
Marine Le Pen prône la "priorité nationale", et s’oppose aux aides sociales pour les étrangers. Favorable "à titre personnel" à la peine de mort, elle veut supprimer le mariage homosexuel, sans défiler avec ses opposants.
La députée européenne brouille les lignes, se proclamant "meilleur bouclier" des Français juifs, citant le socialiste Jean Jaurès ou l’ancien président Charles de Gaulle, arborant République et laïcité en étendard contre "l’islamisation de la France".
Mais elle est poursuivie par les affaires, inculpée en juin dans l’enquête sur les emplois fictifs d’assistants d’eurodéputés FN, quand des proches sont visés pour "financement illégal" de campagnes en 2012. (afp)