Levallois dans l’expectative à la veille du procès Balkany

Durant six semaines, il n’y aura pas de conseil municipal à Levallois-Perret: à la veille du procès de Patrick et Isabelle Balkany, le bastion du couple est dans l’expectative et certains évoquent la fin d’une ère politique, à moins d’un an des municipales.

Le maire LR doit comparaître à partir de lundi au palais de justice de Paris, au côté de sa première adjointe: ils sont notamment soupçonnés d’avoir dissimulé à l’administration fiscale un patrimoine d’au moins 13 millions d’euros.

Elu en 1983, le baron des Hauts-de-Seine n’a depuis quitté la mairie de cette commune limitrophe de Paris qu’entre 1995 et 2001. Et malgré les affaires qui entourent le couple depuis des années, il a été réélu dès le premier tour en 2014.

"Qu’on le laisse un peu tranquille, il s’occupe bien de sa ville. Des casseroles, tout le monde en a", lance Laurent, un cuisinier de 54 ans rencontré au marché couvert de la ville. Levallois était "un taudis. Regardez ce qu’il en a fait !"

Sur les trottoirs méticuleusement balayés et dans les squares florissants de cette commune cossue, le maire est toujours populaire auprès d’une partie des habitants.

"On les aime beaucoup", sourit ainsi une résidente, qui dit croiser le maire "tous les week-end" et exprime sa compassion pour Isabelle Balkany, hospitalisée le 1er mai après avoir ingéré des médicaments.

Dès décembre, l’édile a lancé en plein conseil municipal qu’il serait candidat à un 6e mandat, bien que le duo, 70 et 71 ans, encoure jusqu’à 10 ans de prison.

"C’est la fin d’une ère", estime la chef de file socialiste au conseil municipal Anne-Eugénie Faure. "Si les politiques sont intelligents l’année prochaine, il ne peut pas repasser [aux municipales]. Le procès va laisser des traces".

"Ils ont transformé cette ville" mais depuis 2014, c’est "le mandat de trop", veut croire Arnaud de Courson, opposant DVD de longue date au conseil municipal. "Il n’y a plus d’investissement, d’idées, et une image déplorable à l’extérieur de la commune".

"Grand déballage"

Dans le numéro d’avril du magazine municipal, les élus de la majorité ont signé une tribune jurant "fidélité" et "loyauté" au maire. Au procès, les Balkany "seront amenés à s’expliquer sur des faits personnels qui ne concernent en rien la ville", selon ce texte qui dépeint une équipe "soudée et au travail".

En réalité, les élus sont "très divisés" sur "la suite", glisse un membre de la majorité qui énumère de possibles candidats au sein du groupe. Mais d’ajouter: "il est beaucoup trop tôt", "on y verra plus clair à partir de juillet".

"Tout le monde attend de voir à quelle sauce M. et Mme vont être mangés", résume Sébastien Blanc, ancien secrétaire général de l’Association des contribuables de Levallois-Perret (ACLP) qui réfléchit lui-même à un projet municipal pour 2020. "Le bon sens voudrait qu’il se retire, parce que ce qu’il a fait de bien va être terni par le grand déballage qui s’annonce".

Dominique Tiger, actuel secrétaire de l’ACLP, s’étonne que la ville de Levallois ne soit pas partie civile au procès qui représente, selon lui, "la fin de la récréation. Il faut que la ville passe à l’âge adulte, ça suffit l’infantilisation", estime-t-il, évoquant la dette – la plus importante de France par habitant – et le "clientélisme" ancré dans le fonctionnement communal.

Au fil des années, les Balkany ont transformé la ville au prix d’investissements colossaux. A Noël, les seniors se voient offrir une sortie au Lido ou en bateau-mouche, un colis avec du foie gras. La galette des rois rassemble des milliers de personnes.

Le maire, qui n’a pas souhaité s’exprimer avant le procès, assurait en mars dans le magazine municipal que "les emprunts de Levallois ont diminué, comme prévu, de plus de 53 % en six ans". Levallois "se désendette naturellement" après avoir fait des "grandes opérations d’aménagement", affirmait-il.

Dans le quartier Eiffel, inauguré en 2012, des habitants sont pourtant très critiques. "Enfin, un peu de justice !" se réjouit ainsi Benoît, 66 ans, à l’évocation du procès. "On est plus à Levallois, on est à Balkanyland", ironise Monique, assistante maternelle, "écoeurée" par les "affaires". Elle ajoute pourtant, fataliste, que si le maire le peut, "il reviendra. Et il sera réélu."

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