Les sièges réservés aux députés UMP sont restés vacants dans leur grande majorité.Et pour ceux présents, ils n’ont pas participé à l’ovation consacrée au président tunisien à l’issue de son discours.
L’ancien secrétaire d’Etat Pierre Lellouche a prévenu qu’il n’assisterait pas à la réception du président tunisien, jugeant que le processus démocratique en cours en Tunisie n’était "pas encore stabilisé".
"Il y a une différence entre reconnaître un Etat, l’aider, et en même temps, donner cette espèce d’onction qui consiste à venir dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale", a-t-il estimé.
le président l’Assemblée nationale "Claude Bartolone en fait un peu trop!", a estimé un autre député conservateur français Jacques Myard, qui a toutefois assisté au discours et à la réception donnée en l’honneur du président Marzouki. "Nous allons être obligés de dialoguer avec la Tunisie", a-t-il dit.
Lors de son discours, M. Marzouki a longuement justifié l’alliance de gouvernement que son parti de centre-gauche a formée avec le parti islamiste Ennahda.
"On me pose souvent la question: est ce que la Tunisie est tombée dans l’escarcelle de l’islamisme ? La réponse est non, la Tunisie est tombée dans l’escarcelle de la démocratie", a dit M. Marzouki, sous les applaudissements des députés français, nettement plus nourris à gauche qu’à droite.
Il a également assuré que ses amis lui posaient "sans cesse" une "délicate question: +l’alliance de démocrates laïcs avec des islamistes relève-t-elle de l’opportunisme politique ou de la naïveté?+". "La réponse est simple: ni de l’un ni de l’autre, mais d’une longue histoire commune, d’un pari sur l’avenir", a-t-il lancé.
"De la même façon qu’il existe en Occident des chrétiens-démocrates, il y a et il y aura dans le monde arabe des partis islamo-démocrates dont Ennahda n’est que le prototype tunisien", a-t-il assuré.
"Ennahda a adhéré à la démocratie, certains disent par tactique, d’autres comme moi-même, disent par conviction. (…) L’avenir dira qui a eu raison, dans sa méfiance ou dans sa confiance", a-t-il lancé, assurant que "c’est la force de la démocratie d’avoir pu apprivoiser et intégrer des forces qui lui étaient au départ hostiles".
M. Marzouki a aussi rappelé "qu’une fraction de la France officielle a soutenu la dictature qui nous a opprimés", une référence au régime de Ben Ali, qui régna sans partage pendant 23 ans (1987-2011).
"Mais la part majeure, essentielle, de la France (…) nous a soutenus autant qu’elle le pouvait et accompagnés aussi loin que possible jusqu’à la chute du tyran", a-t-il dit, exprimant "gratitude et affection" à cette France-là.
Lui-même entretient une relation particulière avec la France où il a passé le tiers de sa vie, pendant ses études ainsi qu’en exil.
En l’accueillant, le président de l’Assemblée Claude Bartolone a déclaré que "l’islam et la démocratie peuvent et doivent se conjuguer". Il a toutefois prévenu que la France resterait "vigilante" sur le respect "des principes démocratiques, de la liberté d’expression et des droits des femmes".