Les alliés de la Turquie exhortent Ankara à cesser ses « provocations » en Méditerranée
Deux des principaux alliés occidentaux de la Turquie, les Etats-Unis et l’Allemagne, ont accentué mardi la pression sur Ankara pour qu’elle cesse ses « provocations » en Méditerranée, où la fragile détente avec la Grèce est déjà menacée.
« Nous exigeons que la Turquie cesse cette provocation délibérée et entame immédiatement des pourparlers préliminaires avec la Grèce », a déclaré la porte-parole du département d’Etat américain Morgan Ortagus, alors que les autorités turques viennent de renvoyer dans une zone contestée un navire d’exploration gazière, au risque de raviver la crise avec Athènes.
« La coercition, les menaces, l’intimidation et les manoeuvres militaires ne vont pas résoudre les tensions en Méditerranée orientale », a-t-elle ajouté, dans un communiqué.
Selon Washington, qui « déplore » la décision turque, l’envoi de ce navire « complique délibérément la reprise de discussions préliminaires essentielles entre la Grèce et la Turquie », deux pays voisins alliés au sein de l’Otan malgré leur rivalité historique.
Athènes et Ankara connaissent de fortes tensions diplomatiques et militaires depuis le déploiement par la Turquie, du 10 août à la mi-septembre, d’un bateau d’exploration sismique, escorté de navires de guerre, pour procéder à des études au large d’îles grecques, dans une zone potentiellement riche en gaz naturel.
Fin septembre, les deux voisins, sous pression internationale, avaient finalement accepté d’entamer des « pourparlers exploratoires » sur leurs différends méditerranéens, ouvrant la voie à une phase de détente.
Le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo s’était ensuite rendu en Grèce où il a insisté sur la nécessité de trouver des « solutions » et a « fortement » soutenu le principe d’un dialogue, appelant à « reprendre les discussions sur ces questions dès que possible ».
« Revers majeur »
Mais la marine turque a annoncé lundi que le navire Oruc Reis reprendrait ses activités dans la région jusqu’au 22 octobre, déclenchant la colère grecque.
Le chef de la diplomatie grecque Nikos Dendias a dénoncé une « escalade majeure » et « une menace directe pour la paix et la sécurité ».
« La Grèce ne prendra part à aucun des pourparlers tant que l’Oruc Reis et ses navires d’escorte seront sur place », a renchéri mardi le ministre d’Etat George Gerapetrite.
Côté européen, ce nouvel incident a aussi suscité un regain de mobilisation, d’autant que la Turquie reste sous la menace de sanctions des Vingt-Sept.
« S’il devait effectivement y avoir de nouvelles explorations du gaz turc dans les zones maritimes les plus controversées de la Méditerranée orientale, ce serait un revers majeur pour les efforts de désescalade », a estimé mardi dans un communiqué le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas, qui se rendait justement en Grèce et à Chypre pour évoquer ces tensions.
« Ankara doit mettre fin au cycle de la détente et de la provocation si le gouvernement est intéressé par des pourparlers – comme il l’a assuré à plusieurs reprises », a insisté le ministre.
Berlin demande encore à la Turquie « que la fenêtre de dialogue qui vient de s’ouvrir avec la Grèce ne se referme pas en raison de mesures unilatérales ».
L’Allemagne préside pendant ce semestre l’Union européenne, qui se réunit jeudi et vendredi en sommet à Bruxelles et doit notamment aborder ces nouvelles tensions.
Ankara a décidé de dépêcher son navire dans la zone contestée quelques jours seulement après un précédent sommet européen au cours duquel la Turquie avait été menacée de sanctions.
« Si Ankara poursuit ses actions illégales, nous utiliserons tous les instruments à notre disposition », avait averti la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Des sanctions économiques ont été élaborées et elles sont prêtes à être « utilisées immédiatement », avait-elle martelé.