Le GSIM, lié à Al-Qaïda, épouvantail du Sahel

Il sait conquérir le soutien des populations, est efficace au combat et la paix au Mali ne se fera pas sans son accord, ou son éradication. Le GSIM, groupe jihadiste affilié à Al-Qaïda, est un acteur incontournable du conflit au Sahel.

En janvier 2020, le sommet de Pau (sud de la France) réunissant Paris et le G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) désignait l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS) comme l’ennemi numéro un. Un an plus tard, notamment sous l’effet du harcèlement des armées françaises et locales, les attaques revendiquées par l’EIGS se sont réduites.

Et le danger le plus prégnant vient de son ennemi fratricide, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, Jnim en arabe), qui a récemment revendiqué deux attaques ayant coûté la vie à cinq soldats de la force française Barkhane, en moins d’une semaine.

Le groupe « a gagné en influence et en maîtrise territoriale ces derniers mois. Il est beaucoup plus combattant, plus structuré », affirme à l’AFP un haut gradé français sous couvert de l’anonymat.

« C’est à ce jour l’ennemi le plus dangereux pour la Force Barkhane, pour les forces internationales et pour le Mali », convenait en novembre devant l’Assemblée nationale le général Marc Conruyt, commandant de la force Barkhane.

Né en 2017 de l’aggrégation de plusieurs groupes jihadistes sous l’autorité de Iyad Ag Ghali, un charismatique chef touareg omniprésent au Mali depuis le début des années 90, le GSIM a prêté allégeance à Al-Qaïda. Jusqu’à en devenir une des filiales les plus actives.

 

 « Structurée, organisée »

 

« Sur la base de ce qu’il a accompli, en continuant de s’étendre et d’exister malgré les agressives opérations de contre-terrorisme, Ag Ghaly fait partie des chefs d’Al-Qaïda les plus respectés » dans le monde, assure Rida Lyammouri, chercheur à l’institut néerlandais Clingendael.

Un respect qui lui a même permis de facto de placer le GSIM au dessus d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Car lorsque la France a revendiqué en juin dernier l’exécution du chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdal, figure emblématique du jihad algérien depuis 20 ans, l’évènement « a confirmé l’ascendance définitive du GSIM sur Al-Qaïda dans la région. C’est l’épilogue d’un processus qui avait commencé il y a plusieurs années », explique à l’AFP Djallil Lounnas, chercheur à l’université marocaine d’Al Akhawayn.

Aujourd’hui, « c’est une organisation extrêmement puissante, structurée, organisée. Il n’y pas une région du Sahel qui soit épargnée » par son emprise, ajoute-t-il. Ses leaders sont en grande majorité sahéliens, et non plus arabes, forts de réseaux d’informateurs fiables et de cellules aussi loyales qu’entraînées.

Dans une étude qui lui est consacrée, l’Africa center for strategic studies évoque, citant des experts, des revenus annuels évalués à « entre 18 et 25 millions de dollars, principalement via l’extortion sur les routes qu’ils contrôlent » et  « dans une moindre mesure les kidnappings pour des rançons ».

Le groupe, dont le nombre de combattants est estimé autour du millier voire au delà, soit bien plus que l’EIGS, est par ailleurs extrêmement résilient. Il a perdu en novembre son « chef militaire », Bah Ag Moussa, abattu par la France. Un vrai coup dur, mais qui a permis de constater que le groupe savait anticiper le remplacement de ses cadres.

 

 « Coup de maître »

 

Deux mois plus tôt, le GSIM avait fait libérer quelque 200 prisonniers contre deux otages italiens, le principal opposant malien Soumaïla Cissé (décédé depuis du Covid-19) et la Française Sophie Pétronin.

Une opération à laquelle Paris affirme n’avoir pas été associée et qui a fait grincer certains soldats français, furieux de voir élargis des combattants arrêtés par leurs soins quelques mois plus tôt.

Un « coup de maître » signé Ag Ghaly, assure Djallil Lounnas. Avec en filigrane une loyauté des combattants renforcée et le message que si d’autres sont arrêtés, « le groupe fera tout pour les libérer », confirme Rida Lyammouri.

La capacité d’action du groupe semble donc aussi solide que pérenne. Depuis des mois, des combats violents l’ont opposé à l’EIGS dont il est sorti vainqueur, selon les experts et militaires consultés par l’AFP.

Les deux opérations meurtrières récemment menées contre Barkhane avec des « engins explosifs improvisés » interviennent alors que Paris songe à réduire ses effectifs (plus de 5.000). Elle compte notamment sur la montée en puissance des armées locales et des partenaires européens, priés de partager le fardeau de la lutte anti-terroriste au sud de l’espace communautaire.

Et si Paris admet ne plus s’opposer à des négociations entre les États sahéliens et certains éléments jihadistes aux agendas purement locaux, elle en exclut évidemment les cadres supérieurs, dont Ag Ghaly.

La clé résiderait-elle dans une volonté de viser militairement les têtes du groupe, tout en essayant de le diviser entre combattants soucieux de répondre aux revendications locales et chefs idéologiquement liés à Al-Qaïda ?

« Le groupe est très uni », assure Rida Lyammouri. « Ce serait quasiment mission impossible » d’espérer une division en son sein.

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