Le Front Républicain se fissure sur le Front National
L’observateur étranger, qui jette un regard fut -il furtif sur les éditoriaux de la presse française ces derniers jours, ne peut manquer d’avoir quelques frissons. L’impression est largement suggérée que la France est sur le point de connaître un grand tournant politique. Le Front National qu’incarne Marine Le Pen serait en train de grignoter du terrain avec une telle vitesse qu’il peut, lors des prochaines échéances électorales, réaliser des performances inédites et s’installer comme une force politique incontournable dans le paysage français.
La seconde raison qui installe cette ambiance de fin de règne d’une certaine idée de la France est la situation interne de ce que Marine Le Pen, dans une posture de mépris, appelle l’UMPS, pour souligner les inévitables ressemblances de la gauche et la droite. L’UMP connaît une des phases les plus délicates de son histoire. Une guerre de chefs est ouverte entre François Fillon , l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé. Les deux hommes se livrent à une enchère qui paralysent le parti et décrédibilise sa posture d’alternative aux socialistes. Si on rajoute à ce brouhaha permanent la volonté de Nicolas Sarkozy de revenir jouer les premiers rôles, la paysage de la droite classique devient illisible. Sous prétexte d’être sorti indemne de ses mésaventures judiciaires, Nicolas Sarkozy croit toujours à sa bonne étoile de recours miraculeux de la droite. Un des ses bras droits, Brice Hortefeux, n’a-t-il pas déclaré, pour mieux légitimer son retour, que seul Nicolas. Sarkozy peut faire reculer le FN et le remettre à sa véritable taille.
Les socialistes au gouvernement ne sont pas mieux lotis. Le tournant opéré par le ministre de l’intérieur Manuel Valls sur les questions de l’immigration et les clivages aiguës provoqués au sein de la majorité, au point ou certains ont douté de l’ engagement républicain du ministre de l’intérieur, donnent lieu à discours cacophonique qui n’aide pas à rassurer les français ni à trancher les contours d’un projet politique lisible. D’où les critiques que reçoit le président François Hollande et que sanctionnent les sondages par une baisse de popularité d’un niveau record.
La troisième raison est la fissure du front républicain qu’a montré dans les faits l’élection de Brignoles. Le Front National a non seulement réussi la performance de faire élire un des siens mais aussi de provoquer une grande dissension entre la droite et la gauche. Considérée aussi bien comme un avertissement qu’une répétition grandeur nature de qui peut se passer lors des prochaines échéances électorales municipales et européennes, cette expérience a montré les limites d’une entente entre gauche et droite pour faire barrage au front national.
L’échec de cette entente, le fruit d’une compétition entre le PS et l’UMP, laisse voir la largeur de l’autoroute ouverte devant les candidats du front National pour réaliser les meilleurs résultats. Le FN de Marine Le Pen surfe avec aisance sur les tentatives répétées de la droite et de la gauche de capter ses idées et de les revendre comme la solution à la crise que traverse la société française notamment sur les questions d’accueil d’immigrés et de vivre ensemble. Les tragiques images de Lampedusa et l’acceptation d’une Islamophobie ambiante mettent d’avantage de jus dans le moteur du FN pour installer ses thématiques au cœur du débat politique français. Et toute la question est de savoir quelles réponses le président. François Hollande peut y apporter pour désamorcer ce qui s’apparente à une inévitable " frontisation" des esprits et de postures électorales. Sur ce terrain là, François Hollande y joue une grande partie de son mandat.