Dans sa décision n° 2010-1 rendue aujourd’hui, sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel abroge trois dispositions législatives relatives aux pensions des anciens combattants des ex-colonies françaises, jugées « inconstitutionnelles » et comme « contraires au principe d’égalité ».
Saisi par le Conseil d’Etat le 14 avril au titre de la question prioritaire de constitutionnalité, une nouvelle disposition du droit français permettant aux justiciables de saisir directement le Conseil constitutionnel sur une loi ou un article de loi en vigueur depuis le 1er mars, les Sages de la rue Montpensier ont censuré 3 articles de loi, considérant qu’ils contrevenaient au principe d’égalité garanti par la Constitution.
Les requérants, Madame Kheddidja Labanne et son fils Moktar avaient défendu devant le Conseil d’Etat que l’article 26 de la loi de finances rectificative du 3 août 1981 sur les pensions des anciens combattants d’Afrique du Nord ayant servi dans l’Armée française, l’article 68 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002 et l’article 100 de la loi de finances du 26 décembre 2006 relatives à la « cristallisation des pensions » méconnaissaient le principe d’égalité.
Pour illustrer leur affirmation, leur avocat, Maître Arnaud Lyon-Caen, avait évoqué l’exemple d’un ancien sergent marocain touchant aujourd’hui 612 euros de retraite annuelle, alors qu’en comparaison, un ancien sergent français ayant servi dans les mêmes conditions et ayant versé les mêmes cotisations percevait 7 512 euros de retraite annuelle !
Le secrétaire général du gouvernement, titre du conseil juridique en charge de défendre la position de l’Etat au Conseil d’Etat, avait objecté que la différence pouvait s’expliquer par des disparités très fortes de pouvoir d’achat et de coût de la vie dans les pays concernés. Cet argument a été en partie invalidé par le Conseil constitutionnel, qui a estimé que, certes, les pensions pouvaient varier en fonction des pays de résidence, mais que les retraites ne pouvaient varier pour deux anciens combattants de nationalité différente résidant dans le même pays.
Or, aujourd’hui, quelques 60 000 anciens combattants des ex-colonies sont dans une telle situation. L’abrogation des 3 articles censurés par le Conseil constitutionnel sera effective au 1er janvier 2011. Entretemps, il reviendra au législateur le soin d’adopter de nouvelles dispositions par pays, tout en respectant le principe d’égalité. Leur bénéfice sera étendu, outre les requérants, à tous les justiciables dont les jugements sont en instance.
Enfin, les pensions « décristallisées » seront recalculées et les 60 000 anciens combattants concernés bénéficieront d’un rattrapage sur les 4 dernières années (durée de la prescription administrative).
Selon une estimation de la Cour des comptes, réalisée à l’initiative de M. Philippe Seguin, son ancien président, le coût annuel d’un alignement intégral des pensions est estimé à 152 millions d’euros. La censure partielle du Conseil constitutionnel ne devrait coûter que quelques dizaines de millions d’euros aux pouvoirs publics.
Didier Lacaze