La France en quête d’un rôle de médiateur au Moyen-Orient

Liban, Arabie Saoudite, Iran: engagé sur plusieurs fronts brûlants au Moyen-Orient, le président français Emmanuel Macron souhaite ériger la France en puissance médiatrice dans la région à la faveur du retrait relatif des Etats-Unis, sans garantie toutefois de parvenir à peser davantage, selon les experts.

"Macron est très opportuniste et remplit le vide laissé au Moyen-Orient par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, en positionnant la France comme un meneur de jeu dans la région, de pair avec la Russie", commente Olivier Guitta, directeur du cabinet de conseil GlobalStrat.

Ancienne puissance mandataire du Liban, la France s’est fortement impliquée dans la grave crise politique qui se joue au pays du cèdre, ouverte par l’annonce surprise de la démission du Premier ministre Saad Hariri depuis l’Arabie saoudite le 4 novembre.

Le président Macron a invité et reçu samedi à Paris M. Hariri et sa famille dans l’espoir d’apaiser les tensions. Ce dernier devrait retourner au Liban mercredi.

L’ensemble de la presse libanaise a salué l’intervention française pour désamorcer cette crise, rapidement perçue comme un nouveau bras de fer entre l’Arabie saoudite, parrain de M. Hariri, et l’Iran, soutien de son grand rival libanais le Hezbollah chiite armé.

Dans un souci affiché de "contribuer à apaiser les tensions dans la région", Emmanuel Macron a tour à tour discuté au téléphone ce week-end avec les présidents libanais Michel Aoun, américain Donald Trump et égyptien Abdel Fatah al-Sissi, avec le prince héritier d’Arabie Saoudite, Mohamed ben Salmane, ainsi qu’avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qu’il recevra à Paris début décembre.

"Il est important de parler avec tout le monde", et la France a un rôle "pour construire la paix", insistait le 10 novembre à Ryad le président français, qui prévoit de se rendre à Téhéran en 2018.

"ménager la chèvre et le chou"

Dans un contexte de rivalité régionale exacerbée entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, Paris veille à maintenir des canaux de communication efficaces avec les deux puissances, se démarquant ainsi des Etats-Unis, dont le président Donald Trump soutient inconditionnellement Ryad face à Téhéran, l’ennemi commun.

Emmanuel Macron, qui défend l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 récemment remis en cause par Washington, a ainsi réaffirmé ces derniers jours sa volonté de "dialoguer" avec la République islamique, tout en dénonçant samedi avec le président américain Donald Trump "les activités déstabilisatrices du Hezbollah et de l’Iran dans la région".

"Le pari d’Emmanuel Macron est de modérer les positions des deux camps en ménageant la chèvre et le chou", analyse Frédéric Charillon, professeur à Sciences Po Paris, évoquant une "nouvelle méthode" de Paris au Moyen-Orient.

"Macron a beaucoup à gagner dans l’affaire", écrit-il dans le quotidien libanais L’Orient le Jour. "Si la France permet la moindre avancée diplomatique, elle regagnera de son prestige, un peu perdu ces dernières années dans la région, et renforcera sa position dans les futures négociations concernant la Syrie".

"Mais elle a aussi beaucoup à perdre", prévient l’universitaire. "Dans ce contexte tendu, vouloir parler à tous les acteurs, c’est prendre le risque de se fâcher avec l’un d’entre eux".
D’autres observateurs régionaux se montrent quant à eux sceptiques sur la véritable marge de manoeuvre de Paris dans la région, où son influence est historiquement limitée.

"Je ne pense pas que la France joue un rôle plus étendu qu’auparavant au Moyen-Orient", où son rayon d’action est "limité au Liban et à la Syrie", en sus du Maghreb francophone, "Tunisie, Algérie et Maroc", relativise Hazem Hosni, professeur de sciences politiques à l’université du Caire.

Les initiatives de Paris s’inscrivent "dans un contexte historique de présence française dans ces zones. Dans les régions +anglophones+, la France ne joue pas un grand rôle. Même sur le dossier syrien, elle n’a pas beaucoup de poids dans la résolution du conflit. Les Etats-Unis ont un rôle dominant dans ce dossier, pas la France", ajoute-t-il.

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