L’ancienne pièce maÂŒtresse du gouvernement Ayrault, qui a provoqué une crise politique en France pour avoir détenu un compte bancaire occulte en Suisse, s’est livré sur BFM-TV et RMC à un exercice inédit en confirmant ses aveux.
Décrit par l’auteur de l’interview comme un "animal blessé", ce sportif accompli n’en a pas moins conservé une grande maÂŒtrise et a multiplié les actes de contrition dans l’espoir de se "reconstruire" face au traumatisme de la classe politique.
"J’espère que viendra le moment où le jugement sera moins dur", a-t-il expliqué.
Il a ainsi demandé pardon à François Hollande, au Premier ministre Jean-Marc Ayrault et au ministre de l’Economie Pierre Moscovici, réaffirmant leur avoir menti.
Prié de dire si le chef de l’Etat était informé par d’autres canaux, il a eu cette phrase susceptible de relancer les interrogations de l’opposition sur le rôle de l’exécutif : "J’ignore quel était son degré de connaissance de cette affaire".
Ancien chirurgien, Jérôme Cahuzac a également cherché à couper court aux rumeurs selon lequelles il aurait en réalité cherché à placer en Suisse 15 millions d’euros – et non 600.000 euros comme il l’a avoué – à des fins de financement politique.
"600.000 euros, oui, le reste, non", a-t-il dit, assurant que cette somme venait de ses activités de conseil auprès de laboratoires pharmaceutiques, un soupçon apparu dans l’enquête judiciaire le visant.
Selon lui, cette activité, exercée après son départ du cabinet du ministre de la Santé de l’époque, n’a provoqué aucun conflit d’intérêts. "J’ai eu une activité légale auprès d’entreprises de santé et notamment de laboratoires pharmaceutiques. Je n’ai pas été le seul vous savez, et la chose est parfaitement légale", a-t-il martelé.
"OUI J’AI PEUR"
Pressé par la plupart des dirigeants de la majorité d’abandonner son siège de député du Lot-et-Garonne, Jérôme Cahuzac a reconnu avoir longuement hésité.
Contraint de quitter le gouvernement après l’ouverture d’une information judiciaire, il était autorisé par la loi à reprendre son siège dans un délai d’un mois à compter de sa démission, c’est-à-dire d’ici au 19 avril.
"J’ai eu besoin de temps pour mesurer l’ampleur et la gravité de la faute morale que j’ai commise", s’est-il justifié.
Jérôme Cahuzac, qui avait évoqué sur son blog la "spirale du mensonge" le jour de sa démission, a eu des propos quasi psychanalytiques pour évoquer sa "part d’ombre".
"J’ai commis une folle bêtise, une folle erreur il y a près de vingt ans", a-t-il expliqué. "J’avais une part d’ombre et cette part d’ombre est aujourd’hui en pleine lumière".
"On est dans l’irrationnel quand on refuse sa part d’ombre, on nie une vérité au point de l’occulter, de l’oublier, on se ment à soi-même avant de mentir aux autres. En la matière je me suis menti à moi-même pendant des années", a-t-il avancé.
Prié de dire pourquoi, compte tenu de l’existence de ce compte caché, il a accepté le portefeuille du Budget que François Hollande et Jean-Marc Ayrault lui proposaient en 2012, il a répondu: "Ce jour-là, à cet instant-là, j’aurai dû avoir la force d’âme de refuser. Je n’ai pas eu la lucidité de refuser".
L’affaire avait été révélée en décembre par le site d’information Mediapart, qui avait diffusé un enregistrement dans lequel un homme présenté comme le ministre évoquait lui-même son embarras d’avoir un compte en Suisse.
Mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale après ses aveux le 19 mars devant les deux juges d’instruction chargés du dossier, l’ancien ministre encourt cinq ans de prison.
Il a dit s’attendre à une "épreuve judiciaire" et considère la prison comme une possibilité. "Oui j’ai peur () Nier la peur ne supprime pas le risque () C’est parce que je saurais surmonter cette peur que je parviendrais à me redresser".