Chakib Benmoussa : « La relation France-Maroc a besoin de se renouveler et de se réinventer »

Qualifiant la relation franco-marocaine d’ « extrêmement dense », héritage des liens historiques, humains, politiques et économiques entre les deux pays, l’ambassadeur du Maroc en France, M. Chakib Benmoussa, a toutefois estimé que pour préserver ces liens, la relation France-Maroc « a besoin de se renouveler et de réinventer ».

Invité mardi à débattre avec les membres du prestigieux Cercle MBC, présidé par Jean Poniatowski, sur les relations franco-marocaines et les évolutions que connait le le royaume, M. Benmoussa a souligné qu’ « aujourd’hui compte tenu que le Maroc change, que la France change et que l’environnement et le monde changent, la relation entre la France et le Maroc a besoin, si on souhaite préserver ce lien privilégié, de se renouveler et de se réinventer dans différents domaines ».
« Cela pose des questions par rapport à la mobilité et aux axes économiques à un moment où le Maroc va faire appel de plus en plus aux partenariats public-privé, à un moment aussi où l’économie marocaine se diversifie et développe ses relations avec l’Afrique », a-t-il dit en présence d’un aréopage de personnalités du monde de la finance et des affaires.
Dans ce contexte précis, « la mobilisation des acteurs politiques et économiques est à même d’accompagner ses mutations et ce renouveau de la relations France-Maroc », a-t-il ajouté.
Rappelant que Paris va accueillir deux importantes expositions sur le Maroc au Louvre et à l’Institut du Monde arabe à la mi-octobre, Chakib Benmoussa a par ailleurs insisté sur la symbolique de ces deux évènements consacrés au "Maroc médiéval: un empire de l’Afrique à l’Espagne" et au « Maroc contemporain ».
La première mettra l’accent sur une période fondatrice de l’histoire du royaume et ce qui fait sa singularité tandis que la seconde tendra à montrer le Maroc avec ses défis et son cheminement vers la modernité, a-t-il relevé.
Dans son exposé, M. Benmoussa a en outre mis en exergue la situation géographique du Maroc qui présente de réels atouts d’ouverture sur le monde ainsi que le brassage culturel du royaume, amazigh, africain, arabo-musulman, sahraoui, hébraïque et méditerranéen. « Ces cultures ont su se développer et coexister à travers le temps. Elles constituent aujourd’hui une richesse à tel point que la Constitution a consacré l’ensemble de ces apports comme étant notre identité nationale ».
Sur le plan politique, l’ambassadeur a insisté sur « la monarchie qui jouit d’une légitimité particulière inscrite dans l’histoire du Maroc et où S.M le Roi est en même temps chef politique, garant de l’unité et de la sécurité du pays et gérant toute la dimension stratégique du royaume avec des acteurs politiques : un gouvernement, des partis politiques et une société civile de plus en plus active, et Commandeur des Croyants ».
« Cette légitimité religieuse permet d’organiser le champ religieux et développer cet islam de tolérance, de juste milieu, de paix et de dialogue avec les autres religions, loin du fanatisme qu’on peut voir ici ou là », a-t-il indiqué.

« Environnement mobilisateur »

Notant que la société marocaine est en train d’évoluer de manière assez rapide, M. Benmoussa a souligné que le Maroc est conscient des défis à relever, lesquels contribuent à créer un environnement mobilisateur et une volonté de renforcer notamment le processus démocratique et l’action en faveur de l’égalité homme-femme pour aller vers la parité.
« Ce sont aussi des actions dans le domaine économique pour créer des conditions d’un développement économique durable », a-t-il poursuivi, indiquant que sur ce plan, un certain nombre de stratégies sectorielles ont été mises en place et un programme d’accélération industriel a été récemment initié avec l’objectif de diversifier l’économie marocaine et de créer des emplois.
A titre d’exemples, a-t-il dit, le secteur automobile est devenu le premier secteur exportateur devant les phosphates avec une montée en charge l’année dernière de près de 100 000 véhicules exportés. « A terme, il est prévu en phase de croisière d’atteindre 350 000 véhicules avec tout ce que cela implique en termes d’installation d’équipementiers et de sous traitants au Maroc ».
L’aéronautique est également un secteur en pleine croissance avec la présence d’une centaine d’entreprises et la création de près de 10 000 emplois en l’espace de quelques années, a-t-il ajouté, précisant que les principaux donneurs d’ordre s’y sont installés au Maroc, EADS, Safran, Bombardier, Bouygues et d’autres acteurs avec l’objectif de doubler le chiffre d’affaires d’exploitation d’ici 2020.
Selon l’ambassadeur, d’autres secteurs traditionnels connaissent une embellie, notamment celui du tourisme qui se porte mieux avec une croissance de 7 à 8 % par an permettant au Maroc de dépasser le cap de 10 millions de touristes avec l’objectif affiché de développer de nouvelles stations et autres activités afin d’atteindre les 20 millions de touristes dans les prochaines années.
Dans le secteur agricole, le plan « Maroc vert » est destiné à valoriser l’exploitation de plus de terres arables, d’optimiser l’exploitation en eau et d’améliorer la productivité de ce secteur qui a connu une augmentation de 30%, a-t-il fait valoir,
En parallèle, a poursuivi M. Benmoussa, le Maroc a mis l’accent sur l’économie vert à travers des investissements et le développement de filières dans les domaines de la gestion d’eau et de l’énergie renouvelable avec un plan ambitieux et l’objectif d’atteindre près de 42% des besoins en électricité à l’horizon 2020. « Cela suppose l’installation de près de 2000 MW en éolien et autant en solaire ».

« A travers ces exemples, il s’agit de montrer combien la structure économique du Maroc est en train d’évoluer grâce à des stratégies sectorielles permettant non seulement de fixer un cap mais de mobiliser aussi les acteurs publics-privés », a-t-il indiqué, en précisant que le Maroc bénéficie de la confiance des investisseurs qui se traduit par l’augmentation des investissements étrangers directs ainsi que sa mobilisation pour l’amélioration de l’environnement des affaires et des investissements importants en matière d’infrastructures, comme le port de Tanger-Med qui relie Tanger à plus de 130 destinations à travers le monde et qui est appelé à se développer davantage pour en faire l’un des plus grands hub au niveau mondial.

« Approche globale, concertée et progressive »

Soulignant la résilience de l’économie marocaine face à un contexte économique difficile, l’ambassadeur a relevé que malgré quelques fragilités le Maroc arrive à créer les conditions d’une croissance durable, rappelant que le taux de croissance pour l’année 2013 s’élevait à 4,4% et que les prévisions pour 2014 se situent entre 3 et 4 % avec une inflation maitrisée qui reste inférieure à 2 % et un taux d’endettement global qui reste soutenable.
Pour l’ambassadeur, cette croissance permet d’accompagner des actions au niveau social avec la volonté de développer un certain nombre de mesures pour une meilleure redistribution possible des fruits de cette croissance à travers des programmes de lutte contre la pauvreté comme l’Initiative nationale pour le développement humain et la mise en place d’une , protection sociale et d’une assurance maladie.
« A travers une approche globale, concertée et progressive, le Maroc mobilise l’ensemble du pays pour créer les conditions d’un développement dans la durée », a-t-il ajouté.
Dans son intervention, le président du Cercle MBC, Jean Poniatowski, a regretté pour sa part les incidents qui ont émaillé les relations franco-marocaines depuis le 20 février dernier et qui ont provoqué la suspension par Rabat de sa coopération judiciaire avec Paris.
A l’origine de ces accros, «une plainte farfelue d’une ONG très contestée» contre le patron de la DGST pour des allégations de torture, a-t-il souligné, se félicitant du discours du Premier ministre français à l’occasion de la fête du trône célébrée à Paris par l’ambassade du Maroc et dans lequel Manuel Valls s’est dit disponible pour se rendre au Maroc afin de trouver une solution à la crise et « clore cet épisode, en apportant les légitimes réponses » aux préoccupations marocaines.
Faisant clairement allusion à la brouille entre Rabat et Paris, le Premier ministre avait reconnu que des « relations d’amitié peuvent parfois traverser des périodes de turbulences ». « Il ne faut pas se le cacher, ces derniers mois, pour la France et le Maroc une série d’incidents particulièrement regrettables est venue entacher la relation qui existe entre nos deux pays, et cela nous peine réciproquement », avait-il relevé.
« Il nous faut, grâce au dialogue, à la confiance mutuelle, à la qualité et à la force de nos liens, mettre derrière nous cette période. Nous avons en effet décidé d’avancer ensemble », avait ajouté M. Valls.
Fondé en 1968, le Cercle MBC organise des déjeuners-débats et des rencontres avec des personnalités de premier plan.
Le MBC est composé de deux entités : Le Cercle MBC Paris et le Cercle MBC Genève, créé en 1984. Il regroupe 900 hommes et femmes d’af­faires dans des domaines très variés de la vie écono­mique française et internationale et compte environ 650 membres en France et 250 en Suisse.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite