Au Yémen, le torchon brûle entre le pouvoir et les Emirats
Les Emirats arabes unis et le pouvoir au Yémen ont échangé des accusations au sujet des combats entre séparatistes sudistes et armée à Aden, fragilisant davantage leur alliance contre les rebelles Houthis dans le pays en guerre.
Mais depuis début août, un nouveau front s’est ouvert dans la guerre: des combats ont éclaté entre les forces gouvernementales et les séparatistes qui ont pris le contrôle d’Aden (sud), le pouvoir accusant ouvertement les Emirats d’aider militairement ces séparatistes notamment avec des raids aériens contre ses troupes.
Aden est devenue la "capitale provisoire" du pouvoir après que les Houthis ont pris Sanaa. Les séparatistes ont dit jeudi avoir repris Aden aux loyalistes qui la contrôlaient mercredi. La ville avait été conquise une première fois le 10 août par les séparatistes.
Vendredi, les Emirats ont confirmé avoir mené cette semaine des raids aériens contre des cibles à Aden, mais ont dit avoir visé des "milices terroristes" et agi en "légitime défense".
Dans la narration des évènements, Abou Dhabi et le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi ont fourni deux versions diamétralement opposées.
Dans leur communiqué, les Affaires étrangères émiraties ont indiqué que les forces gouvernementales qui avaient tenté de prendre Aden aux séparatistes comprenaient des "terroristes". Les raids ont visé des "éléments appartenant à des groupes terroristes qui ont attaqué les forces de la coalition dans l’aéroport d’Aden".
Les Emirats, qui ont une tolérance zéro envers les islamistes, considèrent qu’une partie de l’armée du gouvernement de M. Hadi est formée de militants d’al-Islah, un parti yéménite considéré comme proche des Frères musulmans.
Planifier, financer et coordonner
Le vice-président yéménite, Ali Mohsen al-Ahmar, est considéré lui même comme proche de la mouvance islamiste.
La version des faits des Emirats a été confortée par leur allié yéménite, le chef du Conseil de transition du sud (STC – séparatiste), Aidarous al-Zoubaïdi.
Lors d’une conférence de presse dans la nuit de jeudi à vendredi à Aden, il a affirmé que ses hommes avaient capturé parmi les "assaillants" qui ont attaqué la ville des "terroristes recherchés par la justice internationale", sans autre précision.
En face, le gouvernement de M. Hadi a accusé les Emirats d’avoir planifié, financé et coordonné l’action des séparatistes.
"Les milices (séparatistes) rebelles ont attaqué toutes les institutions de l’Etat et ses positions militaires à Aden avec le soutien, le financement et la planification des Emirats", a dit M. Hadi dans un communiqué publié tard jeudi.
Il faisait référence à la première conquête d’Aden par les séparatistes le 10 août.
Silence de Ryad
M. Hadi a ensuite défendu la contre-attaque du pouvoir à Aden mercredi, y voyant une opération destinée à rétablir l’autorité de l’Etat, avant de déplorer l’intervention de l’aviation des Emirats.
Dans ce contexte, le président yéménite, exilé dans la capitale de l’Arabie saoudite voisine, a appelé le gouvernement saoudien à "intervenir pour arrêter les ingérences flagrantes des Emirats, leur soutien aux milices (séparatistes) et leurs raids aériens contre les forces armées yéménites".
L’Arabie saoudite, puissance régionale intervenue au Yémen pour faire face à une influence accrue de son rival iranien, perçu comme un allié des Houthis, observe pour le moment un silence embarrassé sur les affrontements à Aden.
Elle assiste à une dispute sans précédent parmi les membres de la coalition qu’elle conduit -le gouvernement de M. Hadi et les Emirats, un pays considéré comme un proche allié des Saoudiens.
Les autorités saoudiennes ont proposé au début des violences entre séparatistes et gouvernement un dialogue entre les deux camps dans la ville saoudienne de Jeddah. Si le STC s’y est dit favorable, le gouvernement Hadi a exigé pour y participer un retrait des séparatistes des positions conquises à Aden et ailleurs dans le sud du Yémen.
Le ministre d’Etat émirati aux Affaires étrangères Anwar Gargash a défendu vendredi dans un tweet, un tel dialogue. "C’est une porte de sortie de la crise".