Afrique du Sud: Pourquoi les Sud-Africains continuent de voter pour l’ANC malgré ses échecs?

Près de 40.000 personnes étaient rassemblées au Rand Stadium de Johannesburg, le 23 février dernier, pour soutenir l’Alliance démocratique (DA), qui lançait son programme pour les élections générales du 8 mai prochain.

Deuxième force politique du pays après le Congrès national africain (ANC) qui dirige le pays depuis la fin de l’apartheid en 1994, la DA continue de faire des percées, notamment lors des élections communales de 2016 à l’issue desquelles elle a pris le contrôle de plusieurs villes, dont Johannesburg et Pretoria.

Lors du lancement de son programme, le message martelé était simple: il s’agit de mettre fin au règne de l’ANC, terni par la corruption, les scandales et les échecs politiques.

Le diagnostic de l’opposition est pertinent. Après plus de deux décennies au pouvoir, le bilan du parti de l’icône Nelson Mandela est largement négatif, étant donné la situation économique et sociale qui se complique dans le pays, avec des taux de chômage, de pauvreté et de criminalité en perpétuelle hausse.

Cependant, en dépit des échecs, l’ANC bénéficie toujours d’un capital de sympathie qui semble intarissable auprès de la majorité noire, en particulier les anciennes générations.

Dans les rues de Johannesburg, cette grande métropole et centre économique du pays, les Sud-Africains de couleur ne cachent pas leur soutien pour l’ANC.

Ce soutien s’explique, selon les analystes, par «l’économie d’aide sociale», promue par l’ANC depuis 1994, en l’absence de toute politique réelle de développement durable.

En effet, le parti a veillé, depuis son arrivée au pouvoir au terme des premières élections multiraciales dans le pays, à consacrer un budget conséquent aux aides sociales, sous forme de soutien financier et de logement gratuit au profit des pauvres noires.

Cette politique a permis à l’Afrique du Sud d’éviter les convulsions difficiles ayant suivi la fin de l’apartheid, qui menaçaient parfois de plonger le pays dans la guerre civile, indique Achmat Sackie, activiste de la société civile.

«La majorité des personnes qui votent pour l’ANC le font pour préserver ces avantages», indique-t-il, soulignant que ces gens estiment que ces aides ont permis d’améliorer leurs conditions de vie par rapport à l’ère du régime raciste.

En outre, l’absence d’une alternative politique crédible aux yeux de la majorité noire joue également en faveur de l’ANC pour continuer imperturbablement à présider aux destinées des Sud-Africains.

Fondée en 2000 à la suite de l’alliance de trois partis politiques: le Parti démocratique, le Nouveau Parti national et l’Alliance fédérale à laquelle s’est joint en août 2010, le parti des Démocrates indépendants, la DA n’arrive toujours pas à s’imposer face à l’historique ANC.

L’élection du politicien noir, Mmusi Maimane à la tête de la DA en 2015 portait l’espoir d’un renouvellement de ce parti bien souvent perçu comme un «parti dirigé par des blancs», accusé de vouloir «ramener l’apartheid en Afrique du Sud».

Cependant, les avancées réalisées par la DA lors des élections communales de 2016 laissent prévoir une amélioration de la popularité de cette formation, notamment dans les rangs de l’émergente classe moyenne noire, indiquent les analystes.

L’autre parti de l’opposition de l’Economic Freedom fighters, crée en 2012 par Julius Malema, ancien chef de la jeunesse de l’ANC, demeure, quant à lui, prisonnier de sa rhétorique populiste et son discours incendiaire qui ne trouvent pas un large écho dans le pays.

Les derniers sondages montrent que la DA et l’EFF ne parviendront pas à bousculer l’ANC, malgré la perte de vitesse claire de ce dernier. Les mêmes sondages indiquent que l’ANC devra réaliser son plus faible score lors du scrutin de mai.

Dans les discussions sur les réseaux sociaux, la désaffection et la désillusion sont palpables notamment parmi les Sud-Africains nés après la fin de l’apartheid.

Interrogés au sujet de leur intention de vote, plusieurs de ces jeunes ne savent plus quelle décision prendre. Cyndi Sibussisso, une jeune 22 ans, explique que la majorité noire est tiraillée entre un profond sentiment de loyauté à l’ancien mouvement de libération qui avait conduit le peuple à l’émancipation et le désir de changement et d’une vie meilleure.

«Nous avons voté pour l’ANC depuis 1994, mais rien n’a changé», indique Cyndi, qui a été contrainte d’abandonner ses études universitaires pour aider sa famille pauvre. «Cette fois-ci, j’ai décidé de ne pas voter».

D’autres jeunes, préfèrent donner une dernière chance à l’ANC, en particulier au président Cyril Ramaphosa, élu président du parti en décembre 2017 en remplacement de l’ancien président Jacob Zuma, éclaboussé dans de nombreux scandales politico-financiers.

«L’ANC est un mouvement qui nous a libérés et Ramaphosa incarne l’espoir d’un renouveau du parti», indique Michael Tanku, soulignant: «si Ramaphosa échoue, je ne voterai plus jamais pour l’ANC».

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