Respect Madame la Ministre de l’Éducation Nationale (NVB)
Quelle singulière trajectoire que celle de cette jeune femme, brillante et compétente, Najat Vallaud-Belkacem (NVB) ! De la périphérie de Nador, du village de Béni Chicker, à l’hôtel de Rochechouart de la rue de Grenelle (Paris 7), au Ministère de l’Education, que de chemin parcouru ! Cela mérite respect et admiration.
A priori, tout « va très bien madame la Marquise ». Le brouhaha (Université d’été de la Rochelle) qu’induit ce changement est tout ce qu’il y a de plus normal sous les cieux des socialistes français. En tout cas, la fronde n’a pas eu que des désagréments. Se taire c’est se soumettre et se résigner à subir tous les outrages. Exiger le débat ne peut-être, dans une démocratie adulte, considéré comme une hérésie.
Mais force est de constater qu’aujourd’hui, en France, le débat politique a tendance à virer vers des registres peu recommandables et tout devient permis. En se focalisant sur le profil sociologique, culturel voire ethnique de quelques personnes élevées au rang de ministre, le débat politique a perdu, en effet, de sa superbe ; il devient du lynchage. Najat Vallaud-Belkacem et Myriam El-Khomri (chargée de la politique de la Ville), deux jeunes femmes talentueuses apparaissent dans cette équation comme le symbole d’une « anomalie » et d’une provocation politiques (c’est le cas de deux autres ministres : Emmanuel Macron et Fleur Pellerin).
« A ses grandes femmes la République reconnaissante » (1)
A 36 ans Najat Vallaud-Belkacem devient ministre de l’Éducation Nationale. Première femme à ce poste, elle inscrit son nom en lettre d’or sur la longue et prestigieuse liste des ministres français de l’Éducation Nationale : Michel Debré, Louis Joxe, Alain Peyrefitte, Edgar Faure, Alain Savary, Jean-Pierre Chevènement, Lionel Jospin, François Fillon, pour ne citer que quelques uns de ceux qui se sont illustrés à la tête de ce grand ministère sous la 5eme République.
L’arrivée de Mme NVB à la tête de ce grand Ministère c’est plus qu’une promotion ou une récompense pour une fidélité politique ou une loyauté à l’égard d’une personne, fût-il un Président de la République. C’est une reconnaissance. Reconnaissance des capacités politiques, humaines et intellectuelles indéniables d’une jeune femme méritante qui ne doit sa réussite, dans un monde politique compliqué, familier des luttes fratricides, qu’à sa volonté et sa force de travail. Une femme d’honneur qui « n’a jamais voulu être réduite au rôle de "caution de la diversité", qui se dépeint elle-même comme un "pur produit de la République ».
N’en déplaise aux xénophobes de tous bords et aux envieux qui l’attendent déjà au tournant, NVB a un parcours universitaire, politique et militant exemplaire (voir son profil sur le site du Ministère). Diplômée de l’Institut d’Études politiques de Paris, elle a fait l’expérience de la proximité et de la gestion locale avant d’accéder à des postes ministériels de premier plan. Conseillère communautaire de la Communauté urbaine de Lyon (depuis 2008), adjointe au maire de Lyon (de 2008 à 2012), Conseillère régionale de Rhône-Alpes (2004 à 2008) et assistante parlementaire (de Béatrice Marre, députée de l’Oise, de 2002 à 2003) et même Juriste dans un cabinet d’avocats près du Conseil d’État (de 2000 à 2002), Madame NVB s’est vue attribuer des fonctions ministérielle importantes, au Ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et comme Porte-parole du Gouvernement (de mai 2012 à avril 2014). Sa compétence intellectuelle n’est pas en reste. Elle est l’auteur de trois ouvrages, « Raison de plus » (2012), « Réagissez ! Répondre au FN de A à Z » (2011) et « Pluralité visible et égalités des opportunités » (2010) qui montrent l’étendue de sa connaissance de la société française et des enjeux culturels et sociaux auxquels la France doit faire face dans un contexte interne et international tendu.
Quand la rumeur l’emporte, la démocratie trinque !!!
Ceux qui essayent aujourd’hui de ramener la réussite de NVB aux seuls bienfaits de la politique de la « diversité » trompent leur monde. Car, au-delà de la personne de NVB, ils jouent contre la République et contre l’idée même de l’intégration et du principe de l’égalité des chances. Ceux qui font de sa promotion une « affaire politique » et l’envisage comme une « provocation », allument en réalité les mèches de la haine raciale, du soupçon et du doute.
En effet, exhiber la carte nationale d’identité de NVB sur les réseaux sociaux et laisser entendre qu’elle a su malicieusement utiliser son origine et son nom arabe pour monter les marches du pouvoir sous le label de la diversité, c’est plus que suspect. C’est une insulte faite à la République, c’est une honte pour tous ceux et celles qui se prêtent à cette manœuvre qui ne peut qu’apporter du l’eau au moulin de l’extrême droite qui fait de la haine de l’ « étranger » son Cheval de bataille et de l’immigration son principal capital politique. Les partisans de la "Manif pour tous" et quelques « inconstants » éléments de l’UMP, qui participent à l’orchestration de cette vulgaire campagne de désinformation contre la Ministre de l’éducation Nationale ont beau manipuler les faits, ils restent têtus. Le détournement d’une phrase prononcée lors d’une interview accordée au journal Le Point en 2012 par Ségolène Royal, qui aurait déclaré en parlant de NVB : "Elle s’appellerait Claudine Dupont, elle ne serait peut-être pas là. Elle doit assumer son identité et en être fière", ne trompe personne. Cette phrase qui fait aujourd’hui le tour des réseaux sociaux a été, en fait, exploitée à outrance en 2013 par les animateurs de la "Manif pour tous". La sortie du dossier de l’ABCD de l’égalité, « accusé de véhiculer une théorie du genre », n’est qu’un aspect de cette manœuvre de déstabilisation.
L’important, c’est la rose (2)
Claudine ou Najat, Dupont ou Belkacem peut importe. NVB a fait ses preuves et mérite le respect. C’est une femme d’avenir ; elle semble même devenue « l’incarnation » de ce que les ennemis de la République et de la démocratie détestent.
Aujourd’hui, elle est Madame la Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Et elle doit d’abord penser préparer l’avenir et assainir un secteur, l’éducation nationale, qui fait l’objet de tant de sollicitations et a besoin de tant d’efforts. Son Ministère est l’un des plus lourds et des plus difficiles à gérer. Elle a, en effet, à gérer l’entrée 2014 et veiller à la mise en place de la nouvelle organisation du temps scolaire. Elle devra également poursuivre la relance de l’éducation prioritaire (20 % des élèves) et la refonte des programmes, de mener la lutte contre les inégalités sociales et les disparités spatiales qui « se conjuguent et se renforcent conduisant de fait à la concentration, dans certaines zones, d’enfants en grandes difficultés scolaires » estiment les spécialistes (Pour plus d’information sur la question des Principes et modalités de la politique de l’éducation prioritaire, cf., la Circulaire n° 2006-058 du 30-03-2006). La formation des maîtres, la sécurité des établissements scolaires, la création (60.000) de postes de fonctionnaires dans l’Education Nationale, les problèmes de l’université et de la recherche, sont autant de chantiers qui l’attendent au tournant.
NVB doit surtout, à l’instar du grand Leibnitz qui, « offensé des soupçons que les Anglais avaient jeté sur ses travaux, leur proposa comme une espèce de défi le problème des trajectoires » (3), être fière de sa trajectoire et de ses origines marocaines. Car sa trajectoire, comme celle de beaucoup d’enfants issus de l’immigration qui ont percé et se sont brillamment illustrés dans différents domaines, est un exemple de courage, d’abnégation et de volonté. Elle fait honneur à la République française. Quant à la « diversité », ce magnifique leurre des temps présents, elle n’y est pour rien.
Notes
(1) « A ses grandes femmes la République reconnaissante », détournement personnel de la devise «Aux grands hommes la patrie reconnaissante». Deux femmes (Marie Curie et Sophie Berthelot) pour 71 hommes au Panthéon (Paris 5) qui exhibe cette devise.
(2) Poème de Louis Amade paru en 1966, chanté par Gilbert Bécaud en 1967.
(3) Citation attribuée à Jean le Rond d’Alembert (1717 -1783)
(Chercheur en Sciences Sociales-Paris)