L’expulsion des sans-papiers délinquants de France, difficile à mettre en oeuvre
Emmanuel Macron a juré dimanche d’être « intraitable » avec les étrangers en situation irrégulière, promettant l’expulsion de tous ceux qui ont commis un délit. Déjà légalement possible, cette disposition se heurte cependant à de nombreux obstacles et ne peut être automatique.
Cette circulaire fait suite à l’enquête administrative qui avait pointé des "dysfonctionnements" ayant conduit à la remise en liberté d’Ahmed Hanachi. Ce Tunisien en situation irrégulière avait tué à Marseille deux jeunes femmes le 1er octobre, deux jours après avoir été interpellé pour un vol à Lyon.
Que se passe-t-il lorsque qu’un étranger en situation irrégulière est arrêté pour un délit ?
Les forces de l’ordre placent la personne en garde à vue et une double procédure s’enclenche: une procédure judiciaire et une procédure administrative.
Etre en situation irrégulière n’est plus un délit depuis 2012. Mais si un étranger est contrôlé dans la rue et ne peut justifier d’un titre de séjour valable, il est emmené par les forces de l’ordre qui vont procéder à une vérification de son identité dans le cadre d’une "retenue", qui peut durer jusqu’à 16 heures.
Si aucune poursuite pénale n’est engagée contre le sans-papiers, la préfecture peut prononcer une obligation de quitter le territoire français (OQTF), qui doit être exécutée dans les 30 jours ou immédiatement en cas de risque de fuite. Elle peut assortir l’OQTF d’une assignation à résidence ou placer la personne en rétention.
En 2016, près de 22.000 personnes ont transité par ces centres en métropole dans l’attente d’une possible expulsion, selon l’Intérieur.
En cas de condamnation, la justice peut assortir la peine d’une interdiction du territoire français (ITF), temporaire ou définitive.
Combien d’étrangers ont été reconduits à la frontière ?
La France a expulsé 13.000 personnes l’an dernier, alors que 91.000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés. "Nous reconduisons beaucoup trop peu", a récemment affirmé le chef de l’Etat, qui a demandé de la fermeté pour la loi sur l’immigration attendue début 2018.
Qui sont ceux qui ne peuvent être expulsés ?
"Il est faux de faire croire à une automaticité en matière d’expulsion. Cette mesure est décidée au regard de la situation individuelle des étrangers en situation irrégulière", explique à l’AFP Serge Slama, professeur de droit public à l’université de Grenoble, évoquant une "nouvelle forme de double peine".
Stricto sensu, la double peine consiste à retirer leur titre de séjour aux étrangers condamnés. Nicolas Sarkozy, à l’époque ministre de l’Intérieur, en avait supprimé l’automaticité en 2003.
On ne peut pas expulser des étrangers malades, des mineurs ou des gens dont la sécurité serait gravement mise en cause dans leur pays d’origine. Le droit à mener une vie familiale normale, validé par la justice européenne, empêche également les expulsions.
Quels sont les obstacles à l’éloignement ?
"L’une des causes principales des échecs à l’éloignement est l’absence de passeport: les étrangers en situation irrégulière ne présentent souvent aucun document permettant de connaître leur identité ou déclarent une fausse identité".
Ce constat avait été dressé dans le rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur le traitement administratif du tueur de Marseille.
La préfecture doit trouver leur nationalité, puis obtenir auprès du consulat du pays d’origine un "laisser-passer consulaire" indispensable pour procéder à l’expulsion. Or, beaucoup de pays traînent des pieds, en ne répondant pas, ou hors délai, ce qui empêche massivement les renvois. Pour se donner plus de marge, le gouvernement souhaite allonger à 90 jours la durée maximum de la rétention, contre 45 actuellement.
"Lorsque vous avez 2 % ou 10 % de réponse des pays d’origine, vous avez un phénomène d’autocensure des préfectures qui sont démotivées", observe-t-on au ministère de l’Intérieur.
Autre frein: la saturation de certains centre de rétention, qui entraîne de facto une remise en liberté. Les 24 centres et 26 "lieux" de rétention administrative comptaient 2.054 places l’an dernier, rappelle la Cimade, une association d’aide aux étrangers. (afp)