"On peut imaginer que la conversation va être franche et assez directe", Emmanuel Macron "ne s’interdira rien (..) y compris (sur) les questions qui ont trait aux libertés", a prévenu lundi matin la ministre des Affaires européennes Marielle de Sarnez.
"Donald Trump, le président turc (Recep Tayyip Erdogan) ou le président russe sont dans une logique de rapport de forces, ce qui ne me dérange pas", a lui-même observé le nouveau président français, qui a promis un "dialogue exigeant", "sans aucune concession".
S’il ne croit pas à "l’invective publique", Emmanuel Macron, 39 ans, assure qu’il ne compte "laisser rien passer" dans ses conversations avec ses homologues, et se faire "respecter".
Vladimir Poutine, qui a atterri vers 13H25 à Paris, l’avait appelé pour sa part à "surmonter la méfiance mutuelle" dans un message de félicitations au lendemain de son élection.
Faut-il y voir un signe ? Leur conférence de presse commune se tiendra dans la Galerie des Batailles du Château de Versailles, célébrant les grands faits d’armes de l’histoire de France, de Clovis à Napoléon.
Rompant avec la discrétion observée par François Hollande sur la question des droits de l’Homme, l’Elysée a fait savoir que la cellule diplomatique de la présidence avait reçu plusieurs ONG pour évoquer la situation des homosexuels en Tchétchénie et la liberté d’association en Russie.
Amnesty International a appelé pour sa part le nouveau président français à "faire pression" sur le maître du Kremlin, dénonçant la persécution "en toute impunité" des homosexuels en Tchétchnie, "avec la bénédiction de autorité russes".
Sur les relations entre les deux dirigeants, "beaucoup de choses vont dépendre de la première rencontre", a estimé l’ambassadeur russe en France, Alexandre Orlov, qui juge aussi "très important" de "commencer à dissiper" la "méfiance" réciproque.
Les deux dirigeants devaient se retrouver en tête-à-tête vers 14H00, puis déjeuner, entourés de leurs délégations, avant de tenir leur conférence de presse conjointe et d’inaugurer l’exposition qui sert de prétexte à cette rencontre.
"Pierre le Grand, un tsar en France", ressuscite la mémoire de la visite à Versailles en mai et juin 1717 de Pierre Ier, figure chère à Vladimir Poutine, une visite marquée par l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Russie.
"Défaite"
M. Poutine se rendra aussi, mais seul, au nouveau Centre spirituel et culturel orthodoxe russe, avec sa cathédrale à bulbes dorés au coeur de Paris.
Son inauguration en sa présence était prévue en octobre 2016, mais l’escalade verbale entre Paris et Moscou, provoquée par la campagne militaire du régime syrien et de son allié russe contre la partie rebelle d’Alep (nord de la Syrie), l’avait conduit à annuler son déplacement.
Pour Emmanuel Macron, il est nécessaire de "parler avec la Russie" de la crise syrienne afin de "changer le cadre de sortie de la crise militaire" et de "construire de manière beaucoup plus collective une solution politique inclusive".
Le président français estime que la mise à l’écart des Occidentaux sur ce dossier, au profit d’un processus de cessez-le feu parrainé par la Russie, l’Iran et la Turquie, signait leur "défaite".
De la même manière, il compte discuter pied à pied du dossier ukrainien. "La Russie a envahi l’Ukraine", a-t-il même lancé à l’issue du G7 qui a évoqué l’éventualité de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie, alors que Moscou dément toute implication dans le conflit.
Les deux chefs d’Etat tenteront aussi d’arrondir les angles après la campagne présidentielle française, marquée par l’accueil au Kremlin de la candidate d’extrême droite Marine Le Pen et les piratages informatiques visant le mouvement politique d’Emmanuel Macron, En Marche !, attribués à des hackers russes.
Marine Le Pen a souhaité de son côté que la rencontre permette de "normaliser les relations avec la Russie", au-delà des seuls "concours de biceps" pour répondre au gigantesque défi des relations internationales et "lutter contre le fondamentalisme islamique".
AFP