« Gilets jaunes »: mobilisation générale pour éviter une nouvelle explosion de violence samedi à Paris
Forte mobilisation des forces de l’ordre, musées, Tour Eiffel et boutiques des Champs-Elysées fermés: les autorités françaises se préparaient à l’éventualité d’une « très grande violence » samedi à Paris, où est attendue une nouvelle manifestation de « gilets jaunes » pour l’instant sourds aux appels au calme.
Pour ne "pas mettre d’huile sur le feu", le président Emmanuel Macron a de son côté décidé de ne s’exprimer sur la crise des "gilets jaunes" qu’en début de semaine prochaine.
Poubelles et voitures incendiées, mobilier urbain dégradé, échauffourées avec la police, plusieurs manifestations de lycéens, dont plus de 700 ont été interpellés, ont ainsi dégénéré jeudi à travers la France, rappelant les images d’émeutes samedi dernier dans la capitale qui ont fait le tour du monde. Au total, le fonctionnement de près de 7% des établissements scolaires, soit 280 au total –dont 45 ont été bloqués–, a été perturbé.
Etudiants, agriculteurs et routiers ont eux aussi profité ces derniers jours de la fronde des "gilets jaunes", qui sont entrés en rébellion contre la politique fiscale et sociale actuellement suivie, pour faire valoir des revendications différentes.
Illustration, la FNSEA, le premier syndicat agricole, a annoncé des actions pour la semaine prochaine et les syndicats CGT et FO du transport routier ont appelé à la grève à partir de dimanche soir.
S’exprimant dans la soirée sur la chaîne de télévision TF1, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé que 89.000 membres des forces de l’ordre (contre 65.000 le 1er décembre) seraient mobilisés samedi en France, dont 8.000 (contre 5.000) rien qu’à Paris.
Une douzaine de véhicules blindés à roues de la gendarmerie seront également déployés dans la capitale, une disposition inédite en milieu urbain depuis les émeutes dans les banlieues françaises en 2005.
Un plan de sécurité "exceptionnel" destiné à éviter que Paris ne redevienne, comme samedi dernier, le théâtre de scènes de guérilla urbaine, des dizaines d’appels à retourner y manifester se concurrençant sur les réseaux sociaux, avec parfois une tournure très menaçante.
"Nous avons des raisons de redouter une très grande violence", a à ce sujet averti mercredi la présidence française, le ministère de l’Intérieur mettant quant à lui en garde contre une "mobilisation de la part de l’ultradroite et de l’ultragauche".
Parallèlement, les commerçants de la célèbre avenue des Champs-Elysées, épicentre des violences survenues il y a presque une semaine, ont été priés de ne pas ouvrir samedi, tandis que des dizaines de musées et la Tour Eiffel seront eux aussi fermés.
Politiquement fragilisé par la crise actuelle, Édouard Philippe a par ailleurs affirmé qu’il travaillait avec "la confiance du président" Emmanuel Macron, après les atermoiements de l’exécutif sur la gestion des annonces destinées à apaiser la colère des "gilets jaunes".
Mobilisés depuis trois semaines, ces derniers ont balayé les premières concessions du gouvernement, jugées insuffisantes, et nombre d’entre eux se disent déterminés à réinvestir le coeur de la capitale samedi.
"J’ai 700 euros de retraite… On veut vivre, les gens veulent vivre de leur travail", a témoigné Joël, 66 ans, un retraité du bâtiment qui n’avait plus manifesté depuis mai 1968.
"Macron, il a donné un coup de pied dans la fourmilière, les gens ont cru qu’il allait changer les choses et améliorer leur pouvoir d’achat et c’est l’inverse qui s’est passé", a ajouté ce "gilet jaune" interrogé par l’AFP mercredi sur un rond-point près de Metz (est).
Après la promesse d’un gel des tarifs de l’énergie pendant l’hiver et d’une vaste concertation sur les revendications des manifestants, le gouvernement a fait un nouveau geste en renonçant "pour l’année 2019" aux augmentations de taxes sur les carburants –un manque à gagner de quatre milliards d’euros–, à l’origine la principale exigence des contestataires.
Ce geste n’a toutefois pas semblé convaincre les manifestants.
La "colère est demeurée insaisissable et incontrôlable", a à cet égard reconnu le Premier ministre, qui s’est aussi dit ouvert à des mesures de revalorisation des bas salaires – également réclamées par les "gilets jaunes" — à condition qu’elles ne pénalisent pas "excessivement" la compétitivité des entreprises.
En revanche, la perspective d’un débat sur la réforme de l’Impôt sur la fortune (ISF) s’est éloignée après une fin de non recevoir du président Macron.
La cacophonie gouvernementale au sujet de l’ISF ainsi que les atermoiements sur la taxe sur les carburants, suspendue six mois avant d’être finalement annulée pour l’année prochaine, ont donné le sentiment d’une grande fébrilité des autorités face au risque d’aggravation de la crise.
"Le président de la République n’est pas fébrile, il est inquiet", a nuancé le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume.
Conspué par les manifestants qui réclament sa démission, Emmanuel Macron a solennellement demandé aux partis politiques, aux syndicats et au patronat de "lancer un appel clair et explicite au calme".
Dans un geste rare d’unité, sept syndicats ont répondu à l’appel, dénonçant jeudi "toutes formes de violences". Des responsables de partis politiques –de droite et de gauche– ont fait de même.
La presse s’inquiète elle aussi: "La violence est condamnable, évidemment. Ceux qui refusent d’agir sur ses causes ne le sont-ils pas aussi ?", demande vendredi Libération (gauche). "On attend surtout qu’Emmanuel Macron parle. En feignant d’espérer que sa parole puisse encore empêcher la fin de l’aventure en laquelle ils (les Français) ont cru", écrit le Figaro (droite).
Selon le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, le président a décidé d’attendre avant de prendre la parole comme le réclament une partie de l’opposition et des manifestants. Il ne s’exprimera qu’"en début de semaine prochaine" afin de ne "pas mettre d’huile sur le feu" avant un samedi de manifestations à hauts risques, a-t-il annoncé vendredi à l’AFP.