"Non, je ne suis pas confiant" qu’un accord sera trouvé, a reconnu jeudi soir le ministre saoudien de l’Energie, Khaled al-Faleh, après une longue journée de négociations au siège de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
Au terme de ces discussions, les producteurs n’ont pas pu présenter d’accord chiffré de réduction, même s’ils ont témoigné de leur volonté de diminuer les extractions.
Car tous s’accordent sur un point: l’offre dépasse la demande et a conduit à une chute de plus de 30 % des prix en deux mois. Une évolution qui satisfait les consommateurs, mais non des producteurs eux-mêmes très dépendants des revenus pétroliers.
Pour l’Opep et ses alliés, une alliance de 25 pays au total qui assure environ la moitié de l’offre mondiale, il serait donc vertueux de ralentir la production.
Mais les poids lourds de l’or noir ont tous des raisons, plus ou moins officielles, d’attendre des efforts des autres producteurs.
Ainsi, pour la Russie, deuxième producteur mondial, il est "beaucoup plus difficile de réduire que pour d’autres pays étant donné nos conditions climatiques", a affirmé jeudi depuis Saint-Pétersbourg le ministre russe de l’Energie, Alexandre Novak, qui doit revenir à Vienne vendredi.
L’Arabie saoudite doit pour sa part faire face à la pression américaine, à un moment où le royaume est affaibli par les répercussions diplomatiques de l’affaire Khashoggi. Le président américain, Donald Trump, a exigé mercredi de l’Opep, qui pompe le tiers du brut mondial, le maintien de sa production à un niveau élevé.
Si M. al-Faleh a soutenu jeudi que Washington "n’est pas en position de nous dire ce que nous devons faire", sa proposition d’une baisse d’un million de barils par jour pour le groupe de producteurs a déçu les marchés, nouveau recul de cours à la clé.
Son rival géopolitique et troisième producteur de l’Opep, l’Iran, a proposé une réduction plus marquée… tout en demandant à être exempté de toute baisse, estimant son secteur pétrolier déjà affecté par les sanctions des Etats-Unis.
Marchés peu convaincus
La question des exemptions, que le Venezuela et la Libye demanderaient également, selon l’agence Bloomberg, pourrait être cruciale lors des négociations de vendredi, tout comme le niveau et le calendrier d’une éventuelle baisse des extractions en Russie.
Le ministre irakien du Pétrole, Thamer al-Ghadbane, a, pour sa part, déclaré avoir "de l’espoir" pour ces discussions.
Les incertitudes sur le pétrole ont contribué jeudi au recul des Bourses européennes et fait plonger le prix du Brent, la référence européenne, qui évoluait vendredi matin en légère baisse, juste sous le seuil des 60 dollars le baril.
"Si l’hypothèse d’une baisse de production d’entre 1 à 1,4 million de barils par jour ne se concrétise pas, la pression sur les cours va s’intensifier et on peut s’attendre à une chute des cours jusqu’à fin 2018 et au-delà", a prévenu Benjamin Lu, analyste chez Phillip Futures
Pour les analystes, un éventuel accord sur une baisse de production devra être scruté à la loupe car ce sont ses détails qui dicteront le mouvement des prix.
"Une baisse d’un million de barils" pour l’ensemble du groupe, comme l’envisage Ryad, "devrait soutenir les prix", à la condition toutefois que l’Iran ne soit pas inclus dans ce décompte, a expliqué à l’AFP Abhishek Deshpande, analyste chez JPMorgan.
Une telle baisse s’ajouterait en effet à celle, déjà programmée en raison des sanctions américaines, des mises sur le marché par l’Iran.
En juin, les producteurs avaient assoupli leur discipline avec pour objectif de permettre à la Russie et à l’Arabie saoudite d’extraire davantage pour compenser les pertes prévues de barils iraniens en raison du rétablissement des sanctions américaines liées au dossier nucléaire.
Mais les exemptions temporaires accordées au dernier moment par les Etats-Unis à huit pays importateurs, à des niveaux plus élevés que ne l’attendait le marché, ont contribué au plongeon des prix de ces deux derniers mois, effaçant les gains engrangés depuis début 2017.