Que fera Emmanuel Macron de l’Europe face aux USA ? C’est une interrogation qui interpelle tous les centres de décisions en Europe. Quel sera l’impact de la présidence française sur les relations entre Bruxelles et Washington ? Et il ne s’agit nullement d’une interrogation de circonstance ou d’une préoccupation superficielle.
Ce constat est le fruit d’une séquence tendue et parfois douloureuse dans la relation entre les Français et les Américains qu’avaient illustré les divergences autour du contrat d’armements australien. Cet épisode avait donné lieu à une des crises de confiance les plus dures entre Paris et Washington. Cela s’est traduit aussi par un psychodrame entre Emmanuel Macron et Joe Biden où les signes extérieurs de réconciliations étaient plus importants que les ententes réelles entre autorités.
Cette rupture de confiance et ses spectaculaires conséquences n’ont pas été absorbées par de simples conversations téléphoniques ou rencontres au sommet entre les leaders des deux pays. Chacun est resté sur ses positions. Les Américains sur la nécessité de défendre en priorité leurs intérêts nationaux et leurs propres industries d’armements même si cela doit se faire au détriment de ceux de leurs alliées les plus proches et les français sur l’importance d’avoir une marge de manœuvre alternative pour ne plus être écrasés par la puissance américaine.
D’où cette nouvelle philosophie d’autonomie stratégique développée par Emmanuel Macron comme une sortie douce de cette intimité avec les américain de plus en plus étouffante. Aujourd’hui officiellement, les Américains ne voient plus d’un mauvais œil la résurgence de ses tentations autonomistes françaises à la seule condition qu’elles ne brisent pas le parapluie américain.
Même si le temps de la présidence française de l’Union européenne est relativement court, six petits mois, même si elle se passe sous la pression d’un agenda électoral lourd, il est fort à parier qu’Emmanuel Macron va mettre profit cette opportunité pour faire avancer un agenda qui donne plus de chair à sa vision sur l’autonomie stratégique et qui passerai fatalement par la création à terme d’une armée européenne et l’élaboration d’une politique de défense européenne commune.
Au-delà des préoccupations purement domestiques de la maison européen commune, Emmanuel Macron gère sa présidence à un moment clef de l’histoire des rapports géostratégiques de la région . L’Europe entretient des relations difficiles avec son puissant voisin russe. Elle l’accuse en la personne de Vladimir Poutine d’interférer dans ses affaires jusqu’à influencer et manipuler ses scrutins démocratiques.
L’Europe n’a pas réussi jusqu’à présent à ouvrir un dialogue stratégique efficace avec Moscou malgré les tentatives d’Emmanuel Macron en début de mandat. Aujourd’hui la Russie de Vladimir Poutine préfère parler directement avec les américains. Cette attitude est perçue par les européens comme une tentative de les marginaliser avec morgue et mépris.
Un des défis d’Emmanuel Macron pendant cette présidence est de trouver les moyens pour l’Europe pour exister et de la mettre en situation d’influencer ce dialogue de géants qui a l’air de se passer sans eux et qui les engage dans tout dialogue ou accord stratégique à venir.
Il aura à affronter des réticences propres à l’espace européen divisé entre deux tendances qui se paralysent. La première est excitée à l’idée de prendre du large par rapport à l’alliance avec les américains, refroidie par les effets néfastes du Brexit . La seconde est celle qui perçoit le maintien d’une solide alliance avec Washington comme une assurance vie de sécurité face aux dangers et aux menaces russes.
Emmanuel Macron est un des rares chefs l’état en exercice à avoir théorisé la nécessité d’aboutir à une forme de souveraineté européenne. Il a été freiné dans son élan et dans ses enthousiasmes par le réalisme froid de l’ex chancelière allemande Angéla Merkel. Aujourd’hui avec l’égoïsme assumé des américains, la pyromanie affichée des russes, l’Union européenne se doit de trouver un espace pour exister et peser sur les événements.
Personne ne s’attend à ce qu’un miracle se produit pendant cette présidence française, mais le pari sera fait sur la capacité des français à faire avancer un agenda et des idées souverainistes pour tenter de persuader de réticents et de convaincre les sceptiques.
Pour Emmanuel Macron cette carte européenne sera, à n’en pas douter un instrument politique pour tenter de solder les frustrations françaises à l’égard de l’allié américain et de mobiliser les forces européennes à l’égard du conçurent russe. Une double mission à l’aune de laquelle sera jugé le succès de l’engagement français dans cette bataille de « l’autonomie stratégique ».