Le PJD, le RNI et l’éthique en politique
A chaque jour suffit sa peine. Après l’Istiqlal (la Balance), le RNI (le Pigeon) et après le déluge d’invectives et le torrent de boue qu’il a charrié, c’est le saut dans l’incertitude. La question est : Le Pigeon va-t-il brûler ses ailes au contact de la Lampe (PJD) ?
toutes les prévisions défaitistes et démentir les oracles de mauvais augure.
Il a maintenu le cap de la réforme et fait montre d’intelligence et de
perspicacité dans la gestion de la crise. Deux avancées majeures ont rendu
possibles cette singularité et cette traversée du mal dénommé « printemps
arabe » : la Constitution et l’élection législative anticipée. Elles ont
offert au nouveau gouvernement à la fois un outil juridique de premier ordre et
une légitimité politique peu contestée. Ainsi, et dès le départ, la voie
semblait être balisée et les conditions réunies pour que ce gouvernement
puisse s’atteler au plus pressant et s’attacher à la mise en place des
principes annoncés par la Nouvelle Constitution et des promesses clamées, la
veille de l’élection législative anticipée, comme intangibles (Bonne
gouvernance, égalité, parité, justice, lutte contre la corruption et l’abus
de pouvoir).
Malheureusement, le navire amiral, censé conduire le pays à bon
port, commence au bout de quelques mois à tanguer et s’agiter dans tous les
sens. Il finit par ressembler au fameux bateau des « Pirates des Caraïbes »
où Jack Sparrow, le capitaine Hector Barbossa, Barbe Noire et autres
personnages diaboliques ou angéliques (La Sirène Syrena) se font des misères.
Tel le bateau de Jack Sparrow, la scène politique nationale se transforma en un
gallodrome géant dédié aux combats de coqs. Aujourd’hui, retrait de
l’Istiqlal oblige, le pays se prépare à vivre un autre épisode d’un
spectacle surréaliste avec, cette fois-ci, un étonnant casting. Les pyromanes,
les crocodiles, les parasites et les démons, coalisés et apaisés ( ?) vont
jouer pêle-mêle les rôles de pompiers, de gentils sauveurs et de bons
samaritains. En guise de générique de début et pour justifier ces
transformations surnaturelles et mettre de l’ordre dans ce chao politique,
certains idéologues ont dégainé un concept intimidant, emprunté à la
philosophie politique : l’éthique et la morale en politique. Certes, le
concept est une « Représentation mentale abstraite d’un objet, d’une idée
conçue par l’esprit ».
Mais, que faire si cet esprit est tordu ? C’est vers le philosophe français André Comte-Sponville qu’il convient de se
tourner pour comprendre la manœuvre et ainsi éviter le piège tendu. Ce
philosophe distingue dans "Le capitalisme est-il moral ? " (2004), l’ordre moral
de l’ordre éthique. Pour lui, « la morale est ce que l’on fait par devoir
(…) et l’éthique est tout ce que l’on fait par amour ». L’idée
d’injecter une bonne dose de morale et d’éthique dans le jeu politique
actuel est, en soit, une idée raisonnable, dans la mesure où elle peut se
révéler curative pour réduire les effets néfastes de l’opportunisme, du
clientélisme, de la gabegie, du nombrilisme ambiants et ainsi permettre à des
valeurs supérieures, (souci de l’intérêt général, respect des promesses
électorales, attachement désintéressé à la chose publique), de triompher.
Le problème, c’est qu’il ne s’agit, dans le cas d’espèce, ni de devoir
ni de sentiment, mais de stratagèmes et de tactiques politiciennes. La notion
d’éthique et de morale est utilisée d’abord pour mettre en porte à faux
les associés politiques d’hier; elle n’est évoquée que pour déstabiliser
l’adversaire et servir les intérêts particuliers du clan et du parti. Il est
politiquement immoral, affirment ses promoteurs, que le président de la Chambre
des députés se maintienne à son poste alors que son parti a quitté la
coalition. Il est contraire à l’éthique politique, clament-ils encore,
qu’un ministre fasse preuve d’indiscipline à l’égard de sa formation
politique. Soit. Mais, demandez donc à Machiavel ce qu’il pense de tout ce
remue-ménage. Ce qui rend véritablement suspect le recours à la notion
philosophique en question, c’est son usage biaisé et à sens unique. En
effet, est-il moral et éthique de permettre à l’un des adversaires
politiques, nommément désigné comme le fer de lance de la résistance menée
contre le programme et le projet de société proposés par le parti
majoritaire, de trôner au perchoir de la première chambre ? Est-il moral et
éthique de considérer, après tant d’anathèmes, son parti (le RNI) comme «
un candidat sérieux » et un allié fiable ? Est-il politiquement éthique et
moral de choisir l’option « replâtrage » de la majorité, à l’exclusion
des autres possibilités, en particulier le retour aux urnes ? Quid de
l’article 174 de la nouvelle Constitution ? C’est probablement A. de
Tocqueville qui propose les réponses les plus probantes à ce questionnement.
Il affirme, en effet, dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique »
(Seuil, 1970), que « Le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument
». Sommes nous aujourd’hui dans ce cas de figure ? La cohabitation politique
n’est pas une aberration. L’alternance non plus. Amender un programme ou
réviser un projet sociétal, lorsque l’intérêt supérieur du pays et de la
Nation l’exige, n’est nullement un signe de faiblesse et de renoncement.
Bien au contraire. Ce qui serait inacceptable c’est de voir la prochaine
coalition travailler au même rythme et avec le même esprit que sa devancière.
Il serait encore plus dommageable pour l’image du pays et de ses institutions
d’assister de nouveau à des combats de coqs généralisés et surtout, de
voir des chapitres entiers de la Constitution de 2011 en jachère et en
souffrance. C’est celui-là le pire des scénarios.