Tunisie: manifestation massive des islamistes pour défendre leur légitimité au pouvoir
Ce rassemblement intervient au moment où l’armée a aussi engagé une vaste opération à la frontière algérienne, au mont Chaambi, pour « éradiquer » des combattants jihadistes responsables d’une attaque qui a coûté la vie à huit militaires.
Ce rassemblement intervient au moment où l’armée a aussi engagé une vaste opération à la frontière algérienne, au mont Chaambi, pour "éradiquer" des combattants jihadistes responsables d’une attaque qui a coûté la vie à huit militaires. Les autorités ont indiqué par le passé que la "Phalange Okba Ibn Nafaâ", un groupe lié à Al-Qaïda, se terre dans ce massif.
Le parti Ennahda a revendiqué dans la nuit quelque 200.000 manifestants rassemblés place de la Kasbah, où se situe le siège du gouvernement, pour défendre sa légitimité au pouvoir et dénoncer les violences politiques.
La police n’a donné aucune estimation mais selon des journalistes de l’AFP des dizaines de milliers de personnes étaient présentes.
"Ceux qui ont cru que le scénario égyptien pouvait être répété ici ont tout faux. La Tunisie a été une inspiration avec sa révolution, et elle ne va pas importer un coup d’Etat", a déclaré devant la foule Rached Ghannouchi, chef d’Ennahda, en référence au renversement du président égyptien Mohamed Morsi par l’armée le 3 juillet dernier.
Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Ali Larayedh avait une nouvelle fois rejeté lors d’une conférence de presse les appels à sa démission et à la dissolution de l’Assemblée nationale constituante (ANC), revendications clés d’une large part de l’opposition depuis l’assassinat, prêté à la mouvance jihadiste, du député et opposant Mohamed Brahmi le 25 juillet.
Il a proposé, pour résoudre la crise, d’élargir son gouvernement et des élections le 17 décembre.
"Il faut que l’opposition arrête de remettre en cause le gouvernement, c’est le seul moyen d’achever la transition démocratique", a jugé un manifestant, un étudiant de 25 ans, Mohamed Hamrouni.
L’adoption d’une nouvelle constitution est paralysée depuis des mois faute consensus à l’ANC si bien que la Tunisie ne dispose pas d’institutions pérennes deux ans et demi après la révolution de janvier 2011.
Du côté de l’opposition, ils étaient quelques milliers à manifester, selon des témoins interrogés par l’AFP, face à l’ANC. Ces rassemblements quotidiens ont lieu chaque nuit, en raison du jeûne du ramadan.
Les détracteurs d’Ennahda ont d’autre part annoncé préparer un grand rassemblement le 6 août avec les mêmes revendications mais aussi pour marquer les six mois de l’assassinat de l’opposant Chokri Belaïd, un meurtre, attribué aussi à la mouvance jihadiste, qui avait entraîné la chute du précédent gouvernement Ennahda.
"L’opposition ne veut pas du pouvoir mais veut terminer la transition démocratique avec un gouvernement de salut national. Dans le contexte actuel ce n’est pas possible de tenir des élections libres et transparentes", a indiqué à l’AFP Karima Souïd, l’une des 60 députés à réclamer la dissolution de l’assemblée.
Sur le plan militaire, le Premier ministre a refusé de donner des indications sur l’opération terrestre et aérienne en cours au mont Chaambi depuis la nuit de jeudi à vendredi, appelant le pays une nouvelle fois à "l’unité nationale" contre le terrorisme.
Par ailleurs, les incidents impliquant des "extrémistes religieux" se sont multipliés ces dernières 24 heures, selon les autorités.
Le ministère de l’Intérieur a annoncé dans la nuit de samedi à dimanche avoir déjoué l’assassinat d’une personnalité politique non identifiée à Sousse (140 km au sud de Tunis). Deux "terroristes très dangereux" ont été arrêtés et des armes à feu ainsi que des grenades saisis. La police a aussi essuyé des tirs après avoir perquisitionné la maison d’un troisième suspect qui a pu prendre la fuite.
Les forces de l’ordre ont aussi annoncé qu’un "extrémiste religieux" avait été tué et un autre blessé dans deux incidents séparés alors qu’ils manipulaient des explosifs.
Le porte-parole du ministère, Mohamed Ali Aroui, a néanmoins assuré à l’AFP qu’il n’y avait pas pour autant de "menace précise" et que le "risque d’attentat est le même en Tunisie qu’en France ou ailleurs dans le monde".
Le gouvernement a cependant reconnu ces dernières semaines que le pays était face à une menace terroriste grandissante.