La coalition dirigée par l’Arabie saoudite a rejeté lundi, sans surprise, la déclaration d’autonomie des séparatistes du sud du Yémen et exigé « la fin de toute action entraînant une escalade » du conflit dans ce pays exsangue, frappé par une grave crise humanitaire.
« A la suite de l’annonce surprenante (…) du Conseil de transition du sud (STC, séparatistes), nous insistons à nouveau sur la nécessité de mettre en oeuvre rapidement l’accord de Ryad », a réagi cette coalition, qui intervient au Yémen pour appuyer le gouvernement contre les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran.
La décision des séparatistes, en principe partenaires du gouvernement, complique le conflit mené par la coalition au côté des forces progouvernementales contre les Houthis, qui contrôlent, eux, une grande partie du nord du pays dont la capitale Sanaa.
L’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a appelé lundi à « coopérer de bonne foi » et à accélérer la mise en oeuvre de l’accord de Ryad, qui prévoit un partage du pouvoir entre gouvernement et séparatistes dans le sud.
« L’accord de Ryad prévoit la participation du STC aux consultations sur la solution politique finale pour mettre fin au conflit au Yémen et servir les intérêts des Yéménites dans tout le pays », a-t-il ajouté dans un communiqué.
Les Emirats arabes unis, à la fois membre majeur de la coalition et soutien traditionnel des séparatistes, ont également désavoué cette déclaration d’autonomie, et exprimé leur confiance en l’Arabie saoudite.
Un accord de partage du pouvoir entre le gouvernement yéménite et les séparatistes sudistes avait été signé en novembre dernier à Ryad, permettant d’étouffer une bataille -appelée « guerre civile dans la guerre civile »- qui les avait vus prendre le contrôle d’Aden, la deuxième ville du pays.
Mais le STC a proclamé dimanche l’autonomie du sud du Yémen, en accusant le gouvernement de ne pas remplir sa part du contrat et de « conspirer » contre la cause sudiste.
En réaction, la coalition a affirmé qu’elle avait pris et continuerait de prendre « des mesures pratiques et systématiques pour mettre en oeuvre l’accord de Ryad (…), afin d’unifier les rangs yéménites, de restaurer les institutions de l’Etat et de combattre le fléau du terrorisme ».
« La coalition exige la fin de toute action d’escalade et appelle les parties à revenir à l’accord », a-t-elle ajouté.
« Revenir à l’accord »
« Nous avons pleinement confiance dans l’engagement de l’Arabie saoudite à mettre en oeuvre » cet accord et « nous soutenons la déclaration de la coalition », a tweeté de son côté le ministre d’Etat émirati aux Affaires étrangères, Anwar Gargash.
« La frustration suscitée par le retard dans la mise en oeuvre de l’accord n’est pas une raison pour changer unilatéralement la situation », a-t-il écrit.
Alors que le Yémen traverse une grave crise humanitaire, au moins 21 personnes ont en outre été tuées lors d’inondations ce mois.
Les Nations unies ont déclaré dimanche que plus de 100.000 personnes avaient été touchées par ces pluies torrentielles qui ont endommagé des routes, des ponts et le réseau électrique, et contaminé les réserves d’eau.
« D’innombrables familles ont tout perdu », a souligné Lise Grande, coordinatrice humanitaire des Nations unies pour le Yémen.
« Cette tragédie vient s’ajouter à la crise du Covid-19, qui vient s’ajouter à la pré-famine de l’année dernière, qui est venue s’ajouter à la pire épidémie de choléra de l’histoire moderne… », a-t-elle énuméré. « La solution est claire: les parties au conflit doivent trouver le courage d’arrêter les combats et de commencer à négocier. »
« Déclin »
L’accord de Ryad sur le partage du pouvoir dans le sud avait été salué comme évitant l’éclatement complet du pays.
Dimanche, des habitants d’Aden ont fait état de déploiements importants des forces du STC dans la ville. Et une source séparatiste a déclaré à l’AFP qu’ils avaient mis en place des points de contrôle « dans toutes les installations gouvernementales, y compris la banque centrale et le port d’Aden ».
Hussam Radman, chercheur au Centre d’études stratégiques de Sanaa, a déclaré que les séparatistes contrôlaient déjà l’armée et la sécurité à Aden, où ils bénéficient d’un soutien populaire.
« Mais, avec cette déclaration, il va devenir responsable de la partie administrative dans la capitale provisoire qui a connu un déclin sans précédent ces derniers temps » dans la prestation de services et du point de vue économique, a-t-il déclaré à l’AFP.
Le principal affrontement armé au Yémen oppose les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, aux forces gouvernementales, appuyées militairement par la coalition, un conflit qui a entraîné la pire crise humanitaire au monde selon l’ONU.
Le sud du Yémen, qui était un Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord en 1990, s’est lui constamment plaint d’être marginalisé par le pouvoir central à Sanaa.