Les socialistes français face à la prévisible débâcle européenne
C’est peut être vrai. En politique comme en médecine, la douleur, quand elle dépasse un niveau d’acuité, annule même la sensation de la douleur. François Hollande semble tester cette règle. Le choc des municipales fut si violent et le message de colère et de dépit des Français si limpide que quoi qu’il arrive maintenant, il n’y aura sans doute qu’une vague impression de redondance. Les socialistes sont encore KO debout que déjà un second choc se profile à l’horizon. Un choc dont la violence ne peut être atténué que par une abstention record.
Par Mustapha Tossa
Il est vrai que le FN navigue sur du velours. Après avoir réalisé de jolis scores lors des municipales, le voilà qui tente de transformer l’essai sur les européennes. Et les performances qu’on lui promet sont le fruit naturel de deux indissociables constats. Le premier est lié à l’atmosphère "eurosceptique", voire "europhobe" accentuée par la crise et les sombres perspectives économiques. Le second a trait à l’incapacité des défenseurs de l’Europe de livrer un plaidoyer convaincant et efficace. Inaudibles parfois aphones, les euro-enthousiastes se font rares.
Et leur impuissance à mobiliser fut à ce point remarquée que de nombreuses voix se lèvent aujourd’hui pour dénoncer l’ensemble du projet européen et de proposer d’abandonner la monnaie européen, l’Euro, considéré par certains comme source de tous les malheurs et toutes les faillites. Sans que cette attaque inédite ne soit contrecarrée par un argumentaire tranchant.
Ce constat est si parlant que Nicolas Sarkozy, de retour sous la lumière de la campagne, le souligne avec beaucoup d’emphase: " Aujourd’hui, le débat européen se déroule dans un climat d’indifférence et de sourdes hostilités qui laissent pantois. Or, l’indifférence est suicidaire car en Europe se joue une partie substantielle de notre avenir".
Pour François Hollande, le choc prévisible de dimanche prochain sera difficile à gérer dans la mesure où il ne lui reste plus de cartes en main à jouer. La carte du remaniement a été consommée avec l’arrivée de Manuel Valls et le renvoi de Jean Marc Ayrault. Celle de la dynamique économique interne est démagnétisée puisque largement débattue et développée avec le fameux pacte de responsabilité. La marge est si étroite que quelque soit le résultat de dimanche soir, François Hollande ne peut que camper une posture d’incantation.
La vraie fracture se fera au niveau de l’UMP de Jean François Copé et du FN de Marine Le Pen. Pour Copé, une mauvaise performance équivaut à une aggravation des interrogations de son leadership déjà largement entamé par le scandale des factures gonflées de l’affaire Bygmalion. Si son parti sort essoré de ce scrutin, la rébellion au sein de l’UMP risque de prendre un grand coup de fouet. Le retour médiatique de Nicolas Sarkozy, avec des idées originales pour soigner les maux européens, va dans le sens de remettre en cause la stature de Copé en cas de performances négatives.
Pour Marine Le Pen, de bons résultats lors des ces européennes vont définitivement installer le FN comme une incontournable force politique. Ils donneront des ailes à ce rêve souvent fantasmé par l’extrême droite de procéder à une vraie recomposition de la droite et d’en être le centre nerveux et dynamique, la force entraînante. Cette possible restructuration pèsera lourdement lorsqu’il s’agira pour la droite de déloger François Hollande de l’Elysée. De nouvelles alliances sont à imaginer en fonction de l’air du temps. Celui qui flotte actuellement en France semble être porté par des vents favorables au FN. Si favorables que même une déclaration aussi scandaleuse de Jean Marie Le Pen sur "le virus ébola qui peut régler les problèmes d’immigration africaine en France" ne soulève plus l’indignation torrentielle qu’il mérite.