Aucun responsable politique maghrébin ne peut ignorer que la reconnaissance américaine de la pleine souveraineté du Maroc sur son Sahara a complètement changé la donne géopolitique de la région. D’ailleurs, cette décision a totalement rebattu les cartes au point d’imposer une nouvelle respiration politique à une région longtemps paralysée par des intérêts contradictoires.
Ce tournant diplomatique a non seulement fixé une direction unique à la résolution de ce conflit vieux de plus de quarante ans, il a aussi imposé une révision des positions, une clarification des approches à ces pays maghrébins qui naviguaient entre un jeu d’équilibriste à la mauritanienne et une « neutralité » à la tunisienne.
Le temps est donc venu pour ces pays du Maghreb de sortir du clair-obscur qui a longtemps dominé leurs relations avec cette crise à l’origine de la paralysie de leur union maghrébine, de la fermeture de leurs frontières intérieures, de l’hémorragie de leurs efforts du développement. Le coût du « Non-Maghreb » continue de choquer les statisticiens les plus blasés et les politiciens les plus cyniques.
Un vent de changement et de révision devrait donc souffler sur les capitales du Maghreb entraînant une mise à jour de leur diplomatie avec les nouvelles donnes politiques. Les attitudes de Nouakchott, de Tripoli et de Tunis devraient fatalement évoluer à l’ombre de cette accélération américaine dans la région.
Ainsi la Tunisie qui, longtemps, avait subi les pressions économiques et sécuritaires algériennes était contrainte d’observer une certaine neutralité. Dans ses périodes fastes, elle avait tenté d’organiser des médiations entre Le Maroc et L’Algérie sans grand succès. Sans aller jusqu’à reconnaître pleinement la marocainité du Sahara, Tunis n’a pas non plus reconnu le Polisario. Avant sa mort, un des derniers dinosaures de la politique tunisienne, l’ancien président Beji Qaid Sebbsi avait montré un tropisme algérien zélé qui ne pouvait augurer d’un proche changement de la position tunisienne vers le réalisme désiré. Aujourd’hui alors que le pays, en proie à de grandes difficultés, se bat pour consolider les acquis de sa démocratie, rester prisonnier de sa géographie et de ses craintes ataviques à l’égard du régime algérien serait une perte d’opportunités supplémentaires.
En Mauritanie par contre, l’exercice est plus aigu. Le pays au fil des présidents qui se sont succédés a envoyé des messages contradictoires. D’une reconnaissance officielle de cette république fantôme à des messages de distance à l’égard de l’Algérie et de soutien à la démarche marocaine en Afrique, la Mauritanie, dont une grande partie de l’économie de consommation dépend de son commerce avec le Maroc, surfe sur une grande ambiguïté. Le pays mène un jeu d’équilibriste et une démarche de funambule qui a fait son temps. La nouvelle donne nécessite de la part de la Mauritanie une clarification dépassant ses craintes de voir les milices armées du Polisario se retourner contre son pouvoir et dépassant aussi son angoisse de devoir déplaire aux militaires d’Alger.
En Libye, autre pays du Maghreb, la question positionnement à l’égard ne se pose plus avec autant d’acuité. Longtemps soutien officiel et financier généreux des séparatistes du Polisario du temps de Mouammar Kadhafi, il est très difficile d’imaginer que le nouveau pouvoir puisse suivre la même voie. Ce pouvoir, dont la médiation sous les auspices marocains a participé à sa naissance, ne peut envisager une approche de défiance à l’égard du Sahara marocain. Bien au contraire une des grandes décisions à venir de ces nouvelles autorités est de reconnaître la marocanité du Sahara et d’inscrire leur action dans une dynamique unitaire maghrébine, perçue comme un cadre de stabilité et de prospérité.
L’heure des choix a donc sonné pour ces pays. Ou ils continuent à jouer sur l’ambiguïté et le clair-obscur encourageant par là toutes les forces qui aspirent à faire avorter le rêve unitaire maghrébin, ou ils chevauchent le vent de l’histoire qui finira par emporter toutes les adhésions.
Cette nécessité est d’autant plus urgente qu’il n’y a plus de place à une autre solution à cette crise que celle que propose le Maroc dans le cadre de son plan d’autonomie. Les atermoiements et les retards ne sont que perte de temps et d’opportunités pour une grande population maghrébine qui a vu ces chances de développement prises en otage par un conflit artificiel.