Les discussions promettent d’être animées: Emmanuel Macron rencontre lundi les membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), sur fond de craintes d’un possible détricotage de leurs propositions pour lutter contre le réchauffement climatique.
Accompagné de plusieurs ministres – notamment Barbara Pompili (Ecologie), Julien Denormandie (Agriculture), Emmanuelle Wargon (Logement) ou Jean-Baptiste Djebbari (Transports) – le chef de l’Etat a prévu plusieurs heures d’une « discussion franche et directe » avec les membres qui seront présents à partir de 17 heures au Conseil économique, social et environnemental à Paris ou en visioconférence.
Selon son entourage, Emmanuel Macron « les écoutera, leur répondra et pourrait annoncer les derniers arbitrages » avant la présentation prévue fin janvier du projet de loi climat qui doit traduire une bonne partie de leurs propositions.
La portée, voire même la mise en application, de certaines mesures emblématiques sont en effet encore dans la balance, comme la rénovation énergétique des bâtiments ou une limitation de la publicité. Le président pourrait également préciser ses intentions sur un éventuel référendum, dont il avait dit en juin en recevant les propositions de la CCC qu’il était « sur la table ».
Emmanuel Macron, qui avait lancé cet exercice inédit au sortir de la crise des « gilets jaunes », déclenchée par la création d’une taxe carbone sur les carburants, a à plusieurs reprises assuré que leurs propositions déboucheraient sur des « décisions fortes », s’engageant même à le reprendre « sans filtre ».
Mais depuis, la crise née du Covid a frappé des pans entiers de l’économie de plein fouet. Dont certains secteurs gros pollueurs, comme l’aérien ou l’automobile, qui ont bénéficié de milliards d’euros de plans de soutien, sans assez de contreparties environnementales selon les militants écologistes.
« raboté »
Le président ayant lui-même indiqué qu’il faudrait temporiser sur certaines mesures face à cette crise brutale et profonde, les soupçons de « détricotage » se sont accentués. Inquiets, les membres de la CCC avaient publiquement interpellé le président sur le manque d' »ambition générale » et de « soutien clair » de l’exécutif.
Et mi-novembre, un des premiers promoteurs et « garant » de la Convention, le réalisateur Cyril Dion, a lancé une pétition en ligne pour « sauver la CCC », qui a dépassé les 415.000 signatures.
Certaines déclarations du chef de l’Etat n’ont pas aidé, comme la comparaison ironique avec un « retour à la lampe à huile » de la proposition de la CCC d’un moratoire sur le déploiement de la 5G. Ou quand il s’est emporté en lançant: « Je ne veux pas dire que parce que les 150 citoyens ont écrit un truc, c’est la Bible ou le Coran ».
Les inquiétudes n’ont pas été apaisées par une série de réunions la semaine dernière pour présenter les orientations gouvernementales sur la loi climat aux citoyens et à des députés.
« Beaucoup de nos mesures sont présentes, mais un peu rabotées, c’est mi-figue mi-raisin. On a pas mal de questions à lui (Emmanuel Macron) poser », souligne Grégoire Fraty, coprésident de l’association « Les 150 », qui rassemble la majorité des participants.
Les membres de la CCC, tirés au sort, ont travaillé pendant neuf mois pour présenter 149 propositions visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France de 40%, « dans un esprit de justice sociale ».
Ni le « comité de gouvernance » de la CCC, ni les « garants » ne seront présents à la réunion de lundi. La rencontre, à l’initiative de l’Elysée, n’entre en effet pas dans le processus prévu de la convention, qui tiendra une dernière session après la traduction de ses mesures, pour évaluer la réponse concrète de l’exécutif.
Des mesures d’autant plus importantes que la France ne tient déjà pas ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, alors même que l’Union européenne vient d’en adopter de plus strictes à l’occasion du cinquième anniversaire de l’accord de Paris.
« Il nous faut aller encore beaucoup plus loin », reconnaissait jeudi Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique.
L’eurodéputé EELV Yannick Jadot a considéré dimanche que le quinquennat était « perdu pour le climat », et le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a reproché au gouvernement de « continuellement botter en touche ».