"Aucun dialogue avec un gouvernement assassin", a lancé la Confédération des nationalités indigènes de l’Equateur (Conaie) dans un communiqué signé par son président Jaime Vargas.
Alors que le chef de l’Etat se montrait optimiste et misait sur une avancée des négociations jeudi, la tension est montée d’un cran lorsque les manifestants indigènes ont annoncé jeudi matin retenir dix policiers, qui ont finalement été libérés dans la nuit.
Ces membres des forces de l’ordre avaient été présentés jeudi en public lors d’un rassemblement des manifestants à Quito.
Par ailleurs, le bilan de la mobilisation qui dure depuis une semaine s’est alourdi : cinq civils, dont un dirigeant indigène, ont trouvé la mort durant les manifestations, ont annoncé jeudi à l’AFP les services du Défenseur du peuple, un organisme d’Etat. Ce dernier a également dénombré 554 blessés et fait état de 929 arrestations.
"Nous appelons le gouvernement à mettre fin à la violence et à garantir le droit de manifester de manière pacifique", a ajouté cette institution dans un communiqué.
Le gouvernement a de son côté indiqué que 133 policiers avaient été blessés.
Les circonstances des quatre nouveaux décès, survenus à Quito, n’ont pas été précisées. Le précédent bilan faisait état d’un mort, un homme écrasé dimanche lors d’une manifestation dans le sud du pays.
Pour l’heure, le chef de l’Etat, qui avait assuré mercredi que la crise allait "se résoudre très vite", n’avait pas encore réagi.
Confronté à la pire crise de son mandat, Lenin Moreno a transféré lundi le siège du gouvernement à Guayaquil (sud-ouest).
Vénézuéliens
Jeudi, sa ministre de l’Intérieur Maria Paula Romo a annoncé sur Twitter que 17 étrangers, pour la plupart des Vénézuéliens, avaient été arrêtés en possession d’"information" sur les déplacements du président.
Ces arrestations confirment, selon elle, les "intérêts qui se cachent derrière le chaos dans le pays".
Lenin Moreno accuse son prédécesseur Rafael Correa (2007-2017), ex-allié devenu adversaire politique, d’avoir "activé" un "plan de déstabilisation" avec l’aide du président vénézuélien Nicolas Maduro.
Ces deux derniers ont nié. Pour le chef de l’Etat vénézuélien, les manifestations en Equateur sont une nouvelle "insurrection populaire" contre le FMI, avec lequel Quito a conclu un accord contesté.
"Le Fonds monétaire international est le principal instrument du diable dans le monde", a ajouté M. Maduro dans une intervention retransmise par la télévision d’Etat.
Les indigènes – qui représentent 25 % des 17,3 millions d’Equatoriens – exigent le maintien des subventions aux carburants, dont la suppression a fait bondir les prix à la pompe de plus de 100 %.
Mais pour Lenin Moreno, libéral de 66 ans arrivé au pouvoir sous la bannière socialiste, difficile de revenir en arrière. Sa mesure, si impopulaire soit-elle, s’inscrit dans un accord conclu avec le FMI en échange d’un prêt de 4,2 milliards de dollars censé relancer l’économie.
L’état d’urgence a été décrété pour 60 jours, tout comme un couvre-feu autour des institutions du pouvoir, afin que les forces armées puissent rétablir l’ordre.
Au total, 74.000 militaires et policiers ont été déployés.
Soutien de la droite
Si les indigènes sont en pointe de la contestation sociale, c’est aussi parce qu’ils sont les plus touchés par la pauvreté et travaillent majoritairement à la campagne. Si les prix des carburants s’envolent, ils devront payer davantage pour le transport de leurs produits, tout en redoutant que l’inflation s’emballe.
Ce mouvement social, marqué par des blocages de routes et de puits pétroliers en Amazonie, des manifestations parfois violentes et des grèves, est inédit dans le petit pays andin depuis 2007.
L’occupation de plusieurs champs pétroliers a conduit les autorités à suspendre mercredi les opérations de son principal oléoduc, le Trans-Equatorian Oil Pipeline System (SOTE), paralysant le transport de 68 % de sa production (531.000 barils par jour).
Malgré tout, Lenin Moreno, qui se revendique toujours socialiste, a reçu dans ce conflit le soutien inattendu de la droite et de l’armée. A Guayaquil, bastion des milieux d’affaires, des milliers d’Equatoriens ont manifesté mercredi pour prendre sa défense.
De son côté, le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres a fait part de son "inquiétude" concernant la situation en Equateur. L’ONU se dit prête "à soutenir le dialogue, si sa participation est acceptée par toutes les parties".
Par ailleurs, les président péruvien et chilien, Martin Vizcarra et Sebastian Piñera, ont apporté leur soutien à Lenin Moreno.