Rapidement, l’affaire prend une ampleur considérable en Israël: manifestations avec les portraits des deux hommes et slogans véhéments, menaces, appels lancés sur Internet pour les ramener en Israël afin d’y être jugés… «Le peuple d’Israël attend du gouvernement français qu’il arrête et livre ces criminels pour qu’ils soient jugés ici», a résumé Roye Peled, le fiancé de la jeune fille, sur RMC. «Après leur crime odieux, ces deux hommes se sont enfuis dans un endroit où ils savaient qu’ils seraient en sécurité. Un Etat ne doit pas devenir un refuge pour les criminels, ça pourrait être très dangereux pour l’avenir», a-t-il insisté. En début de semaine, la mère de Lee, Kate Zeitouni, avait écrit à Carla Bruni-Sarkozy, et celle-ci lui a répondu, assurant «s’associer à la douleur intolérable» de cette famille. La maman endeuillée a confié à Europe 1 avoir trouvé du réconfort dans les mots de le Première dame, et le papa s’est dit satisfait de constater que «la France coopère très bien à la poursuite de ces deux criminels».
Assumer ses responsabilités… en sécurité
Car si la situation a également viré à l’imbroglio judiciaire, l’ambassade française en Israël a toutefois tenu à préciser dans un communiqué que «le Président de la République avait déjà donné les instructions les plus claires pour que les procédures d’entraide judiciaire en France soient mises en œuvre de façon prioritaire et que toute requête israélienne soit traitée avec la plus grande célérité». Dans le détail, la situation est complexe car la France a pour principe de ne pas extrader ses citoyens**. De fait, Paris plaide pour que les deux chauffards soient jugés sur leur sol, ce qui d’emblée ne contente pas les Israéliens qui réclament justice. Ainsi, tandis que les avocats des suspects affirment qu’ils encourraient la même peine dans les deux pays, à savoir dix ans de prison, le quotidien israélien «Haaretz» rapporte que les spécialistes tablent sur une peine maximale de sept ans en France, contre 20 en Israël. En outre, encore faudrait-il que les autorités israéliennes procèdent à «une dénonciation officielle aux fins de poursuite»: sans cette démarche -qui revient à se dessaisir du dossier-, l’Hexagone n’est pas habilité à juger de ce cas qui a eu lieu hors de ses frontières. La situation reste donc pour l’heure dans l’impasse.
Du côté des auteurs, qui se trouvent actuellement en région parisienne, on refuse catégoriquement de retourner en Israël, tout en reconnaissant sa culpabilité. Selon Europe 1, une chaîne de télévision israélienne est parvenue à retrouver la trace de l’un des deux, qu’elle a interrogé par téléphone. S’il assure regretter son geste, il a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de revenir «croupir 20 ans» dans les prisons israéliennes. «Je peux vous dire que je suis plus que favorable au fait qu’ils soient en France et qu’ils soient protégés par la non-extradition», a renchéri Me Françoise Cotta sur RMC. «Parce que ça prend des proportions qui font qu’en Israël, c’est évident qu’ils ne bénéficieraient d’aucune des garanties de la défense, a ajouté l’avocate. Ils sont menacés de mort tous les jours, on les traite d’assassins, il y a quasiment un appel au meurtre… Comment voulez-vous qu’ils envisagent aujourd’hui faire confiance à la justice en Israël?», a-t-elle fait valoir avant de conclure: «Ils ne regrettent pas d’avoir quitté Israël et je crois qu’ils ont raison.» Un autre de leurs autres conseils, Me Joseph Cohen-Sabban, a tenu le même discours, complété d’un sentiment anti-français à Tel Aviv qui envenimerait encore plus les choses. Eric Robic comptait en effet s’installer en Israël pour y travailler dans l’immobilier. Or, selon lui, les Israéliens se plaignent que les Français fassent monter les prix dans la capitale.
Les deux hommes ont en tout cas «parfaitement conscience de la gravité des faits» et sont à l’entière disposition de la justice française pour «répondre de leurs actes», ont affirmé les avocats lors d’une conférence de presse donnée jeudi. «Je ne peux pas laisser les gens dire que mon client se cache, ou fuie ses responsabilités, a-t-il martelé dans les colonnes d’Hareetz. Ce n’est pas vrai. Dès qu’ils sont arrivés en France, nous avons écrit au ministère de la Justice français pour dire qu’ils attendaient d’être convoqués par un juge français.» Mais les Israéliens n’ont pour l’instant pas fait les démarches pour que Paris intente une procédure.
* Notamment sur la création d’un Etat palestinien.
** Malgré les conventions d’extraditions signées bilatéralement (la France a par exemple signé des accords avec 50 pays, dont Israël ne fait pas partie), chaque état reste libre –du fait de la complexité du droit international- d’accorder ou de refuser d’extrader un de ses ressortissants.