Guerre de poids au tribunal
Pierre Dukan, père du régime hyperprotéiné, poursuivait hier Jean-Michel Cohen, autre nutritionniste star, pour avoir dénigré sa méthode à succès.
Stars. Jusqu’à présent, leur bataille se passait dans les rayonnages des librairies ou sur les plateaux télé. Chacun défendant sa propre méthode pour délester les foules de leurs kilos superflus. Pierre Dukan, auteur du best-seller Je ne sais pas maigrir, est le chantre du régime hyperprotéiné qui fait fondre stars et anonymes. De son côté, Jean-Michel Cohen, qui a vendu lui aussi des tonnes de livres, privilégie le régime hypocalorique consistant à manger de tout en petite quantité.
Mais l’interview de Jean-Michel Cohen au magazine Meilleure santé en juin 2010 a provoqué l’ire de Pierre Dukan. Et déplacé leur duel sur le terrain judiciaire. Interrogé sur le régime de son rival, Jean-Michel Cohen avait expliqué que cette méthode amaigrissante était «une véritable déstructuration alimentaire», qui entraîne «de graves problèmes de santé chez certains patients comme une forte hausse de cholestérol, des problèmes cardiovasculaires, des cancers du sein». A la question suivante du journaliste «Ça profite à qui ?» le spécialiste avait répondu : «A l’industrie de la perte de poids, aux médecins, aux vendeurs de pilules, à l’édition, aux journaux… Tout le monde surfe sur le fantasme du régime.»
Diffamatoire, pas diffamatoire ? Telle était donc la question hier. Absents du prétoire, les deux gourous des régimes n’ont pas assisté au tête-à-tête de leurs avocats avec le tribunal. Chacun ayant apporté son lot de documentation, d’extraits de forums sur Internet et d’études médicales pour argumenter. Mais à ce jeu-là, Richard Malka, l’avocat de Jean-Michel Cohen, avait une longueur d’avance. «Les propos de mon client font l’effet d’une caresse de koala par rapport à ce qui a été écrit dans "le Parisien"», a-t-il ironisé en brandissant un exemplaire. Lundi, le quotidien a publié une enquête évoquant les risques et carences que pouvait entraîner la diète Dukan. Titré «Les médecins alertent sur les dangers du régime Dukan», le dossier révélait au passage que 80% des personnes ayant suivi cette méthode amaigrissante avaient repris leur poids initial quatre ans après. Du pain bénit pour la défense. «Le régime Dukan, ça me fait un peu l’effet d’un conte de fées à l’envers», a poursuivi l’avocat. «Grâce à la magie du Dr Dukan, vous perdez vos kilos très rapidement et un jour, pof, vous les retrouvez ! J’espère que François Hollande n’a pas suivi ce régime, car il risque fort de ne pas tenir jusqu’à la présidentielle !»
«Industrie».Sébastien Dufay, l’avocat du Dr Pierre Dukan a tenté de démontrer que son client était visé autant en tant «qu’homme qu’en tant que professionnel» et qu’il n’acceptait pas que son régime, et donc son nom, soit associé à un danger pour la population française. Le parquet a estimé que les passages de l’interview ne présentaient pas de caractère diffamatoire puisque le régime était présenté comme un produit de consommation. Une nouvelle occasion de rebondir pour Richard Malka. «La diffamation est un délit contre les personnes, pas contre les régimes. Un régime ne peut pas aller voir un avocat ou demander réparation.»
Le défenseur en a profité pour étriller «l’industrie Dukan». «C’est une marque déposée pour les bières, pour des compotes fraîches, des pizzas, des gaufres, des entremets, du tapioca, mais aussi pour des lessives, des poubelles, des sandwichs et des gâteaux, a-t-il égrené. Pierre Dukan cherche à interdire toute critique contre son fonds de commerce.»
Et de conclure en réclamant non seulement la relaxe de Jean-Michel Cohen mais aussi une condamnation de Pierre Dukan pour «procédure abusive». Le jugement sera rendu le 5 juillet.