Nommé le 9 février, M. Boillon a réussi en peu de temps à faire l’unanimité contre lui. Le 17, recevant pour la première fois la presse tunisienne, l’ambassadeur a répondu de façon cavalière à une journaliste qui l’interrogeait sur les déboires de la ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie. "N’essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles, franchement, vous croyez que j’ai ce niveau-là ?", a-t-il lancé, avant de se lever et de quitter la table. Un peu plus tard, répondant en arabe à une interview, il a mis fin avec brusquerie à l’entretien.
La réaction des Tunisiens n’a pas tardé. Ils étaient plusieurs centaines, samedi 19 février à Tunis, devant l’ambassade de France, à brandir des pancartes : "Casse-toi, Boillon !", en allusion au "Casse-toi, pauv’con !" présidentiel, "Dégage !", invite adressée par le peuple aux dictateurs du monde arabe, ou encore "Colis de merde à renvoyer à l’expéditeur, 37, quai d’Orsay, Paris". Du jamais-vu.
Ce ne sont pas ses excuses, débitées en arabe à la télévision tunisienne, samedi soir, les yeux rivés à un papier, qui ont arrangé la situation. "Je dois dorénavant parler de manière plus polie", a déclaré l’ambassadeur. Au-delà de ces questions de forme, la nomination de l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy (il avait joué un rôle-clé dans la libération des infirmières bulgares en Libye) a suscité la colère des Tunisiens.
Ceux-ci n’hésitent pas à aborder les Français dans la rue pour se plaindre : "Il n’a même pas été agréé (par la Tunisie), mais imposé. Nous ne sommes pas du tout d’accord avec sa position sur la guerre d’Irak. Pour qui nous prenez-vous ?", demande Mohammed, un étudiant de 23 ans. M. Boillon, auparavant en poste à Bagdad, avait comparé les Tunisiens aux Irakiens qui avaient déchu Saddam Hussein. "Le parallèle énerve à l’extrême les Tunisiens, confirme Ridha Raddaoui, un avocat des droits de l’homme. M. Boillon oublie que c’était une agression, une occupation américaine."
L’un de ses confrères, Adel Sghaiel, juge pitoyables les excuses télévisées : "Il était comme un petit garçon. Il ne sera plus respecté par personne." Un groupe Facebook "Boris Boillon dégage", créé il y a trois jours, a déjà recueilli plus de 10 000 amis.