Devant une confirmation aussi évidente de l’ascension fulgurante du Front National, Marine Le Pen jubile dans les médias. Son parti regardé jusqu’à présent comme un assemblage de pestiférés idéologiques et de frustrés sociaux est présenté aujourd’hui comme une vraie machine électorale. Quatorze mois avant le scrutin, elle peut se prévaloir d’avoir provoqué une sérieuse gueule de bois à une majorité qui se complaisait dans ses certitudes à et à une opposition qui ruminait ses nostalgies.
Signe de son succès incontestable, Marine Le Pen a configuré le pugilat du moment entre opposition et majorité. Tandis que l’opposition continue de reprocher à Nicolas Sarkozy d’avoir agité des chiffons rouges qui ont excité l’opinion et jeté les Français dans les bras du Front National, la majorité a développé un autre angle d’attaque pour s’absoudre de cette responsabilité. Si l’extrême droite parvient à s’imposer et à capter les créneaux de l’opposition, c’est que l’opposition classique a failli dans sa mission en étant paralysée par une interminable guerre intestine qui l’aurait empêchée de formuler un projet et séduire les Français. Bref bloquer leur hémorragie vers les extrêmes. Cet échange d’accusations semble combler de joie Marine Le Pen et faire le jeu du Front National.
Mais une fois passé le temps de la réaction épidermique et sentimentale, Majorité et opposition se trouvent dans l’obligation de revoir leurs stratégies de conquête à dérouler sur l’année électorale à venir. En tant que chef de la majorité et candidat encore naturel à la prochaine présidentielle, Nicolas Sarkozy, effet Marine Le Pen oblige, se trouve dans l’obligation de revoir l’ensemble de ses alliances. Condamné à rassembler toute sa famille politique, Nicolas Sarkozy ne peut plus se permettre le luxe d’une insurrection ou d’une scission interne qui l’affaiblirait davantage. C’est doute le secret de sa seconde rencontre avec son ennemi intime Dominique De Villepin en l’espace de deux semaines.
Les socialistes sont contraints aussi à revoir leur agenda. Et Voilà que des voix au sein du sérail socialiste se lèvent pour inviter Martine Aubry à abandonner le principe des primaires de crainte que l’étalage, parfois violentes de leurs divisions, ne désespèrent les Français et poussent une grande partie d’entre eux à épouser l’offre politique de Marine Le Pen. Le grand cauchemar du moment est le suivant : Une majorité qui part dans tous les sens avec un leadership de Nicolas Sarkozy ouvertement contesté, une opposition qui se transforme en foire d’empoigne pour ego aiguisés, voilà qui paverait l’autoroute de l’Elysée à Marine Le Pen.