Le 1er mars dernier, le gouvernement a publié la liste des bénéficiaires des agréments (licences) de transport, dans le cadre de sa lutte contre l’économie de rente. Si l’intention d’une telle démarche est louable, son efficacité risque d’être limitée si le gouvernement ne prend pas soin de prévenir l’amalgame, et s’il réduit la lutte contre la rente à une simple campagne de déballage médiatique.
En effet, il ne faut pas oublier le principe originel à la base de l’octroi de ces agréments : servir de mécanismes de solidarité, notamment avec les anciens combattants. Malheureusement ce mécanisme a été instrumentalisé par plusieurs opportunistes pour avoir accès à des privilèges indus, donnant lieu à la constitution d’une importante économie de rente au Maroc. Cela étant, il fallait faire le tri entre les bénéficiaires légitimes et ceux qui ne le sont pas avant de publier la liste, afin d’éviter l’amalgame.
S’il est vrai que l’économie de rente se nourrit, entre autres, de l’absence de contrôle, de l’opacité et du manque de transparence dans la sphère économique, la lutte contre la rente ne peut être réduite à des campagnes à effet d’annonce. Par ailleurs, le gouvernement, peut-être par manque d’expérience, s’est précipité et a lancé cette campagne sans qu’elle soit accompagnée par un projet contenant des objectifs et des mesures concrètes. Mais selon quel modèle peut-on lutter contre la rente?
La culture marocaine reste encore imprégnée par un certain féodalisme et une certaine soumission au Makhzen, ce qui explique la persistance du contrat implicite : rendre service au pouvoir contre l’obtention d’un privilège. Néanmoins, il faut bien comprendre que le problème de rente est au fond une question d’incitations, lesquelles dépendent des institutions (règles économiques et sociales) encadrant les interactions individuelles. Si le comportement de recherche de rente persiste au Maroc c’est parce que les institutions en place produisent des incitations le favorisant au détriment de l’effort productif. Comment ? En règle générale, les économies rentières sont caractérisées par la prédominance de la rente par rapport au travail productif, et la richesse est concentrée entre les mains d’une petite fraction de la société. Cela conduit à la distribution de privilèges et de monopoles, une véritable privatisation de l’Etat dont les groupes d’intérêt bénéficiaires sont évidemment hostiles aux réformes économiques.
Cet état de fait génère la dichotomisation de la société sous la forme d’une classe rentière et une autre classe pauvre, en l’absence d’une classe moyenne. En l’absence d’ascenseur social, c’est-à-dire des opportunités d’emploi et d’investissement qui permettent de passer de la classe pauvre à la classe moyenne ou riche, la seule issue pour prospérer reste le comportement de recherche de rente. Cela signifie qu’au lieu d’investir dans la production, l’innovation, c’est à dire dans la création de la valeur ajoutée, les individus investissent dans le lobbying auprès des bureaucrates, des politiques et des législateurs, pour acquérir des privilèges, notamment accéder à un marché public, créer un marché de toutes pièces, évincer un concurrent gênant, etc.
Cependant, il ne s’agit pas d’une fatalité : si l’on veut arrêter cette hémorragie qui coûte des points de croissance à l’économie marocaine, il faut changer les incitations, ce qui implique forcément un changement institutionnel, c’est-à-dire un changement des règles du jeu économique. Les décisions économiques ne doivent plus être guidées par la logique politique consistant à acheter des voix ou à conclure des alliances ou encore acheter de la paix sociale de courte durée. Elles doivent désormais être fondées sur un critère de rationalité économique : offrir davantage de liberté économique à tous les individus pour se diriger vers l’économie productive. Celle-ci repose sur trois principes: le libre choix, l’Etat de droit et la libre concurrence.
Le premier principe implique une redéfinition du rôle de l’Etat : moins d’Etat pour mieux d’Etat. Cela doit se traduire par une rationalisation des dépenses publiques, un ciblage des transferts sociaux, une optimisation des investissements publics, et la contractualisation dans la fonction publique. Jusqu’à aujourd’hui l’interventionnisme a créé des opportunités aux rentiers pour obtenir, de la part des politiques et bureaucrates, des privilèges indus. Moins il y en a, mieux c’est !
Le second principe implique la consolidation de l’Etat de droit en faisant de l’indépendance de la justice une réalité quotidienne et en veillant à l’exécution des contrats par la modernisation et la décentralisation des tribunaux. Cela ne peut être réalisé sans une vraie séparation des pouvoirs pour éviter que le politique biaise le fonctionnement de la justice faussant ainsi le jeu économique et dévalorisant l’effort productif.
Enfin, le troisième principe implique l’activation des instances de lutte contre la concurrence déloyale, la promulgation de lois effectives contre les monopoles et les ententes sur les prix, qui créent des distorsions dans les prix biaisant la concurrence sur le marché. Il signifie aussi faire la chasse à toutes les barrières à l’entrée dans les différents marchés afin que les positions soient toujours contestables. Cela passe par la lutte contre la sur-réglementation et la rigidité des marchés ainsi que par l’accélération des réformes visant l’amélioration de l’environnement des affaires.
Cela ne sera pas possible sans que l’on ne s’attaque au tabou du mariage incestueux entre le politique et l’économique au Maroc. Car il n’y a pas que des licences (transport, carrières) dans ce pays qui constituent une source de rente.
Au final, à l’image de la démocratie qui a besoin de contre-pouvoirs politiques, la sortie de l’économie de rente passe par la création de contre-pouvoirs économiques. Ce n’est possible que si l’on libère l’économie de l’ingérence des politiques et des bureaucrates, et des monopoles qu’ils imposent. Cela implique des nouvelles règles du jeu économiques, libérant toutes les forces vives de ce pays désireuses de créer de la valeur ajoutée au lieu de profiter indûment de la rente.
En effet, il ne faut pas oublier le principe originel à la base de l’octroi de ces agréments : servir de mécanismes de solidarité, notamment avec les anciens combattants. Malheureusement ce mécanisme a été instrumentalisé par plusieurs opportunistes pour avoir accès à des privilèges indus, donnant lieu à la constitution d’une importante économie de rente au Maroc. Cela étant, il fallait faire le tri entre les bénéficiaires légitimes et ceux qui ne le sont pas avant de publier la liste, afin d’éviter l’amalgame.
S’il est vrai que l’économie de rente se nourrit, entre autres, de l’absence de contrôle, de l’opacité et du manque de transparence dans la sphère économique, la lutte contre la rente ne peut être réduite à des campagnes à effet d’annonce. Par ailleurs, le gouvernement, peut-être par manque d’expérience, s’est précipité et a lancé cette campagne sans qu’elle soit accompagnée par un projet contenant des objectifs et des mesures concrètes. Mais selon quel modèle peut-on lutter contre la rente?
La culture marocaine reste encore imprégnée par un certain féodalisme et une certaine soumission au Makhzen, ce qui explique la persistance du contrat implicite : rendre service au pouvoir contre l’obtention d’un privilège. Néanmoins, il faut bien comprendre que le problème de rente est au fond une question d’incitations, lesquelles dépendent des institutions (règles économiques et sociales) encadrant les interactions individuelles. Si le comportement de recherche de rente persiste au Maroc c’est parce que les institutions en place produisent des incitations le favorisant au détriment de l’effort productif. Comment ? En règle générale, les économies rentières sont caractérisées par la prédominance de la rente par rapport au travail productif, et la richesse est concentrée entre les mains d’une petite fraction de la société. Cela conduit à la distribution de privilèges et de monopoles, une véritable privatisation de l’Etat dont les groupes d’intérêt bénéficiaires sont évidemment hostiles aux réformes économiques.
Cet état de fait génère la dichotomisation de la société sous la forme d’une classe rentière et une autre classe pauvre, en l’absence d’une classe moyenne. En l’absence d’ascenseur social, c’est-à-dire des opportunités d’emploi et d’investissement qui permettent de passer de la classe pauvre à la classe moyenne ou riche, la seule issue pour prospérer reste le comportement de recherche de rente. Cela signifie qu’au lieu d’investir dans la production, l’innovation, c’est à dire dans la création de la valeur ajoutée, les individus investissent dans le lobbying auprès des bureaucrates, des politiques et des législateurs, pour acquérir des privilèges, notamment accéder à un marché public, créer un marché de toutes pièces, évincer un concurrent gênant, etc.
Cependant, il ne s’agit pas d’une fatalité : si l’on veut arrêter cette hémorragie qui coûte des points de croissance à l’économie marocaine, il faut changer les incitations, ce qui implique forcément un changement institutionnel, c’est-à-dire un changement des règles du jeu économique. Les décisions économiques ne doivent plus être guidées par la logique politique consistant à acheter des voix ou à conclure des alliances ou encore acheter de la paix sociale de courte durée. Elles doivent désormais être fondées sur un critère de rationalité économique : offrir davantage de liberté économique à tous les individus pour se diriger vers l’économie productive. Celle-ci repose sur trois principes: le libre choix, l’Etat de droit et la libre concurrence.
Le premier principe implique une redéfinition du rôle de l’Etat : moins d’Etat pour mieux d’Etat. Cela doit se traduire par une rationalisation des dépenses publiques, un ciblage des transferts sociaux, une optimisation des investissements publics, et la contractualisation dans la fonction publique. Jusqu’à aujourd’hui l’interventionnisme a créé des opportunités aux rentiers pour obtenir, de la part des politiques et bureaucrates, des privilèges indus. Moins il y en a, mieux c’est !
Le second principe implique la consolidation de l’Etat de droit en faisant de l’indépendance de la justice une réalité quotidienne et en veillant à l’exécution des contrats par la modernisation et la décentralisation des tribunaux. Cela ne peut être réalisé sans une vraie séparation des pouvoirs pour éviter que le politique biaise le fonctionnement de la justice faussant ainsi le jeu économique et dévalorisant l’effort productif.
Enfin, le troisième principe implique l’activation des instances de lutte contre la concurrence déloyale, la promulgation de lois effectives contre les monopoles et les ententes sur les prix, qui créent des distorsions dans les prix biaisant la concurrence sur le marché. Il signifie aussi faire la chasse à toutes les barrières à l’entrée dans les différents marchés afin que les positions soient toujours contestables. Cela passe par la lutte contre la sur-réglementation et la rigidité des marchés ainsi que par l’accélération des réformes visant l’amélioration de l’environnement des affaires.
Cela ne sera pas possible sans que l’on ne s’attaque au tabou du mariage incestueux entre le politique et l’économique au Maroc. Car il n’y a pas que des licences (transport, carrières) dans ce pays qui constituent une source de rente.
Au final, à l’image de la démocratie qui a besoin de contre-pouvoirs politiques, la sortie de l’économie de rente passe par la création de contre-pouvoirs économiques. Ce n’est possible que si l’on libère l’économie de l’ingérence des politiques et des bureaucrates, et des monopoles qu’ils imposent. Cela implique des nouvelles règles du jeu économiques, libérant toutes les forces vives de ce pays désireuses de créer de la valeur ajoutée au lieu de profiter indûment de la rente.