S’il y a une image que tout le monde attend avec impatience et curiosité dans les jours qui viennent, c’est celle qui réunira le président français Emmanuel Macron et son homologue américain Joe Biden en marge du G20 prévu en Italie. Cette rencontre était la promesse ultime qu’une réconciliation entre alliés, que des divergences stratégiques ont séparé jusqu’à la fâcherie, était possible.
Le monde observera avec attention la nature du dialogue entre les deux leaders, soupèsera jusqu’à leur poignée de mains ou leur communication tactile pour savoir si le revirement australien, qualifié par Paris de véritable poignard dans le dos, a été dépassé.
Depuis le début de cette crise inédite entre Paris et Washington, les deux présidents ont échangé par téléphone à deux reprises, échanges lourdement médiatisé pour signifier au monde que les deux partenaires travaillent à dépasser leurs divergences, panser les déceptions françaises et relancer l’alliance stratégique entre français et américains.
Objectif affiché de cette activisme diplomatique : préparer leur rencontre au sommet italien et donner un cadre politique aux annonces susceptibles d’apaiser les tensions et de calmer les esprits.
C’est que le choc était brutal. Quand le démocrate Joe Biden a repris la Maison Blanche des mains du républicain populiste Donald Trump, c’était presque jour de fête nationale à Paris et grand soulagement à Bruxelles, siège de l’Union européenne. Tant la diplomatie française et européenne étaient étouffées, parfois scandalisées par les coups de boutoir de Donald Trump et de son tempérament isolationniste.
Jour de fête car l’arrivée de Joe Biden signifiait le retour de la diplomatie multilatérale, du dialogue et de la concertation avec les alliés.
L’épisode australien où Canberra, Londres et Washington se sont ligués en secret contre la France pour la dépouiller du contrat militaire du siècle a provoqué une colère si puissante que le ministre des Affaires étrangères français Jean Yves Le Drian, d’habitude si précautionneux dans le choix des Ses mots, avait publiquement qualifié Joe Biden, de « Donald Trump sans les tweets ».
Paris avait profité de cette crise où l’Amérique a ostensiblement lâché un allié pour faire avancer dans les esprits son projet de défense européenne commune et autonome. Même si Emmanuel Macron est encore seul à labourer ce terrain, les arguments d’une prise en charge progressive de son destin militaire ne manquent pas. Au cours des conversations entre Macron et Biden, Paris avait présenté comme une victoire diplomatique ou du moins une concession américaine majeure le fait que Washington reconnaisse et encourage la nécessité de développer une défense européenne commune. Les Américains s’empressent toutefois d’ajouter qu’elle serait fatalement complémentaire à la stratégie de l’alliance atlantique.
Paris s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne début de l’année prochaine . Une des objectifs assumés du président Macron est de convaincre les nombreux pays réticents en Europe qu’il va falloir penser une doctrine militaire européenne, indépendante certes de l’Otan sans être en divergence frontale avec sa politique.
Les raisons qui empêchent certains pays nordiques ou de l’Europe de l’Est d’adhérer au projet français sont connues. Une peur panique de la menace russe à la fois diffuse et permanente, et une addiction au parapluie protecteur américain. Ces pays le jugent plus rassurant que les promesses aventureuses françaises.
La France, puissance militaire, ambitionne d’animer cette politique de défense Européenne commune qui aboutirait en fin de parcours à l’élaboration d’une armée européenne qui pourrait prendre des décisions militaires et opérer des choix stratégiques sans en référer forcément au parapluie de L’Otan commandé depuis Washington. C’est un des principaux sujets de discussions entre Macron et Biden dans cette séquence diplomatique qui a vu les deux pays, traditionnellement amis, au bord du divorce et de la rupture.
Il y aura certainement d’autres sujets de discutions dans lesquels les deux pays ont beaucoup investi. Le Sahel par exemple dans lequel la stratégie française est en train d’être révisée de fond en comble. Dans ce domaine de lutte contre les groupes terroristes qui menacent de prendre le pouvoir dans de nombreux pays, l’aide américaine en matière de renseignements et de surveillance électronique est cruciale pour la réussite des opérations françaises.
D’autres sujets comme le nucléaire iranien auront une part de choix dans l’attention des deux leaders. Cette crise iranienne se trouve actuellement à la croisée des chemins: ou créer les conditions d’un retour à la négociation internationale avec la ferme intention de parvenir à un compromis avec le régime iranien, voire s’étendre sur l’alternative à suivre au cas où le processus de négociation finirait dans le mur.