Sortie du Maroc de la liste grise du GAFI: interview avec Abdelaziz Arji, Expert-comptable et Commissaire aux comptes
1. Quel impact aura la sortie du Maroc de la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI) ?
La sortie de cette liste indique que le Maroc a mis en place des mesures efficaces pour lutter contre ces phénomènes et que le pays est désormais conforme aux normes internationales. Cela renforce la confiance des institutions financières internationales dans le système financier marocain et ouvre la voie à de nouveaux financements pour le pays. La sortie du Maroc de la liste grise du GAFI aura un impact positif sur les négociations du pays avec les institutions financières internationales.
Le GAFI est une organisation intergouvernementale chargĂ©e de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. ĂŠtre inscrit sur la liste grise du groupe signifie que le Maroc est considĂ©rĂ© comme un pays qui n’a pas suffisamment respectĂ© les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
D’ailleurs, le rĂ©sultat ne s’est pas fait attendre puisque le Maroc vient de lever avec brio un emprunt obligataire sur le marchĂ© financier international de plus de 1,25 milliard de dollars sur 5 ans, et un montant identique sur 10 ans.
Cet attrait des investisseurs internationaux pour la dette marocaine est stimulé également par la perspective positive de la croissance annoncée par la Banque mondiale qui pronostique un taux de croissance de 3,1% en 2023 contre 1,2% en 2022.
2. Quid de l’attractivité des investissements étrangers ?
La sortie du Maroc de la liste grise du GAFI est une nouvelle encourageante pour l’attractivitĂ© des investissements Ă©trangers dans le pays. En effet, la prĂ©sence sur cette liste pourrait dissuader certains investisseurs internationaux de s’engager dans des projets au Maroc, notamment dans le secteur financier. Les investisseurs Ă©trangers sont plus susceptibles d’investir dans un pays qui est considĂ©rĂ© comme respectant les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Maintenant que le Maroc a Ă©tĂ© retirĂ© de la liste grise, cela pourrait renforcer la confiance des investisseurs Ă©trangers dans le système financier marocain, en dĂ©montrant l’engagement du pays Ă lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Cela pourrait Ă©galement renforcer la position du Maroc en tant que destination d’investissement clĂ© dans la rĂ©gion, en particulier pour les investisseurs Ă©trangers qui cherchent Ă accĂ©der aux marchĂ©s africains en croissance.
Le Maroc dispose dĂ©jĂ d’un environnement d’affaires relativement favorable et d’une Ă©conomie diversifiĂ©e, avec des secteurs clĂ©s tels que l’agriculture, l’industrie, le tourisme et les services financiers. Cependant, il est important de noter que la sortie de la liste grise du GAFI ne garantit pas automatiquement une augmentation des investissements Ă©trangers. D’autres facteurs tels que la stabilitĂ© politique, la qualitĂ© de la main d’Ĺ“uvre, les infrastructures, l’intĂ©gration de l’informel et la rĂ©glementation restent des considĂ©rations clĂ©s pour les investisseurs.
En fin de compte, la sortie du Maroc de la liste grise du GAFI peut ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un pas dans la bonne direction pour renforcer l’attractivitĂ© des investissements Ă©trangers dans le pays, mais elle ne garantit pas Ă elle seule une augmentation significative des flux d’investissement.
3. Quel constat faites-vous aujourd’hui des efforts du Maroc en matière de lutte contre le blanchiment d’argent ?
Dans le cadre du respect des obligations internationales découlant des conventions des Nations Unies et en réponse aux standards internationaux en matière de Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT), le Royaume a engagé plusieurs réformes visant la mise en place et la modernisation du cadre légal et réglementaire relatif à la LBC/FT.
Ainsi, a Ă©tĂ© promulguĂ©e la Loi n° 03â€03 relative Ă la lutte contre le terrorisme par le dahir n° 1â€03â€140 du 28 mai 2003, puis la Loi n° 43.05 relative au blanchiment des capitaux fixant les mesures devant ĂŞtre observĂ©es par les personnes assujetties dans le cadre de la LBC/FT, notamment : l’identification de la clientèle, les obligations de vigilance et de veille interne selon une approche basĂ©e sur les risques, les mesures de vigilance renforcĂ©e, la dĂ©claration Ă l’AutoritĂ© Nationale du Renseignement Financier (ANRF) d’opĂ©rations suspectes, l’exĂ©cution des dĂ©cisions d’opposition de l’ANRF, le gel des avoirs ainsi que la communication des informations pertinentes demandĂ©es par les autoritĂ©s compĂ©tentes dans les dĂ©lais requis.
C’est dans ce cadre que les professions du Chiffre et du droit dont les Expertsâ€comptables ont Ă©tĂ© mis Ă contribution pour assurer la transparence, la conformitĂ© et la bonne affectation des ressources financières de leurs clients.
Le Maroc a Ă©galement Ă©tabli des partenariats internationaux pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent. Le Royaume est membre du GAFI, et collabore Ă©galement avec d’autres pays de la rĂ©gion et des organisations internationales pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent.
En somme, le Maroc a pris des mesures importantes pour renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent. Nous commençons Ă en sentir les bienfaits puisque nous avons adoptĂ© Ă l’instar des banques des processus de Know your client (KYC) qui nous permettent de n’accepter que des clients qui se conforment aux exigences de transparence et de respect des lois en matière de LBC/FT.
4. Que recommandez-vous pour consolider les acquis réalisés ces dernières années en termes d’amélioration de la résilience du système financier national contre la criminalité et la fraude financières ?
Il existe plusieurs mesures que le Maroc peut prendre pour consolider les acquis rĂ©alisĂ©s en termes d’amĂ©lioration de la rĂ©silience du système financier contre les crimes financiers, dont :
†Renforcer les lois et les rĂ©glementations : Le Maroc peut envisager de renforcer les lois et les rĂ©glementations en matière de LBC-FT. Cela pourrait inclure l’amĂ©lioration des lois existantes, l’Ă©laboration de nouvelles lois, l’amĂ©lioration de la coordination entre les organismes de rĂ©glementation et l’augmentation des sanctions pour les infractions LBC-FT.
†Encourager la coopération internationale : Le Maroc peut travailler à renforcer la coopération internationale dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en collaborant avec les organismes internationaux.
†Renforcer les capacitĂ©s des autoritĂ©s compĂ©tentes : Le Maroc peut Ă©galement renforcer les capacitĂ©s des autoritĂ©s compĂ©tentes impliquĂ©es dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, telles que le ministère de l’Économie et des Finances, la Banque centrale, l’UnitĂ© de traitement du renseignement financier et les forces de l’ordre. Cela pourrait inclure la formation du personnel, l’amĂ©lioration des infrastructures et l’augmentation des ressources financières allouĂ©es.
†Promouvoir la transparence et la responsabilité : Le Maroc peut également encourager la transparence et la responsabilité dans le secteur financier en exigeant des rapports financiers réguliers et en encourageant une culture de conformité dans les institutions financières.
†Sensibilisation et Ă©ducation : Le Maroc peut Ă©galement travailler Ă sensibiliser davantage la population et les entreprises aux risques de crimes financiers et Ă promouvoir une culture de conformitĂ© en fournissant une Ă©ducation et une formation sur la manière de se conformer aux règles et règlements LBC/FT. En mettant en Ĺ“uvre ces recommandations, le Maroc peut renforcer encore davantage la rĂ©silience de son système financier contre les crimes financiers et s’assurer que les acquis rĂ©alisĂ©s ces dernières annĂ©es sont consolidĂ©s pour un avenir plus sĂ»r et plus stable.
5. Quel a été le rôle de la régulation dans la convergence vers les standards internationaux ?
Le Maroc a pris des mesures importantes pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment en mettant en place un cadre rĂ©glementaire solide.
Le rĂ´le de la rĂ©gulation a Ă©tĂ© essentiel dans la convergence vers les standards internationaux de lutte contre le blanchiment d’argent au Maroc. En plus des lois antiâ€blanchiment et antiâ€financement du terrorisme votĂ©es, le Maroc a crĂ©Ă© l’UnitĂ© de traitement du renseignement financier (UTRF), chargĂ©e de la collecte, de l’analyse et de la transmission des informations relatives au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
En outre, le Maroc a travaillĂ© en Ă©troite collaboration avec les organisations internationales pour harmoniser ses rĂ©glementations avec les normes internationales. Le Maroc est membre du Groupe d’action financière (GAFI) depuis 2006 et a Ă©galement signĂ© des accords avec l’Union europĂ©enne et les Étatsâ€Unis pour renforcer la coopĂ©ration en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
MalgrĂ© ces avancĂ©es, il reste encore des dĂ©fis Ă relever pour amĂ©liorer l’efficacitĂ© du cadre rĂ©glementaire de lutte contre le blanchiment d’argent au Maroc. Par exemple, le système judiciaire doit ĂŞtre renforcĂ© pour garantir des enquĂŞtes et des poursuites efficaces contre les criminels financiers.
Il est Ă©galement important de renforcer les capacitĂ©s des institutions chargĂ©es de la rĂ©glementation et de la supervision pour s’assurer que les exigences sont appliquĂ©es de manière cohĂ©rente et efficace. Enfin, il est essentiel de poursuivre la coopĂ©ration internationale en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment en Ă©changeant des informations et des bonnes pratiques avec d’autres pays et organisations internationales.