Mohamed Morsi incarne-t-il la tentation autoritaire chez les Frères musulmans
Février 2011. La place Tahrir conteste Hosni Moubarak, le général tout puissant. Décembre 2012. La même place conteste Mohamed Morsi, le Frère musulman qui voudrait devenir tout aussi puissant. Retour à la case départ ou la révolution égyptienne serait-elle toujours en marche ? Cinq personnes ont trouvé la mort lors des affrontements, dans la nuit de mercredi à jeudi, devant le palais présidentiel au Caire entre partisans et adversaires du président égyptien,
Pourtant, il y a deux semaines, le monde entier a cru qu’un nouveau leader était né au Proche Orient. Mohamed Morsi a, en effet, joué un rôle de premier plan dans la médiation entre le Hamas et Israël pour parvenir à une trêve. La presse américaine s’est empressée de commenter de façon élogieuse son succès. Avant de déchanter, vingt-quatre heures plus tard, en apprenant que le grand médiateur égyptien venait de signer un décret torpillant le pouvoir judiciaire et lui laissant les mains totalement libres.
C’est la goutte d’eau qui a réveillé l’opposition laïque et libérale. Car si le printemps arabe a bien favorisé l’émergence d’un pluralisme politique, jusque dans les rangs islamistes eux-mêmes, il n’a pas encore permis de faire le saut démocratique décisif : l’installation durable de contre-pouvoirs et d’un État de droit. Morsi a habilement purgé la hiérarchie militaire, mis sous tutelle justice et Parlement. Le seul contre-pouvoir, outre l’humour, dont disposent les Egyptiens, c’est aujourd’hui encore la place Tahrir. Dernier obstacle avant la mainmise des Frères.
Tahrir représente-t-elle la société égyptienne ? Pour une part, certainement. Elle exprime la soif de vérité d’une société très jeune, l’envie de ne plus subir les mensonges du régime. Elle exprime aussi la colère induite par la dégradation de la situation économique, plombée par la baisse des revenus du tourisme. Mais ce contre-pouvoir se retrouvera-t-il dans les urnes, la semaine prochaine lors du référendum sur la nouvelle constitution ? Ou lors des prochaines élections ? C’est moins sûr. Les Frères sont, certes, affaiblis par l’exercice du pouvoir, c’est déjà perceptible, mais ils contrôlent un maillage très serré de la société.
Après sa victoire à la présidentielle, Mohamed Morsi avait promis d’être le président de tous les Egyptiens. La promesse s’est brisée sur le fameux décret concentrant tous les pouvoirs. Le spectre d’une polarisation entre islamistes et non-islamistes, voire d’une guerre civile, est évoqué par certains leaders de l’opposition. La mobilisation du camp pro-Morsi en témoigne, car cette contre-manifestation a moins les atours du pluralisme qu’un air de contre-révolution. Si Washington, grand argentier du Caire, a encore de l’influence sur Morsi, c’est le moment de l’exercer.