Le chef du cabinet d’union libyen sommé de quitter Tripoli

Le chef du gouvernement d’union nationale libyen soutenu par l’ONU est arrivé mercredi à Tripoli mais les autorités non reconnues l’ont aussitôt sommé de partir, un bras de fer qui fait craindre une escalade de la crise.

Quelques heures après l’arrivée de Fayez al-Sarraj dont le gouvernement est contesté par les deux autorités rivales en Libye, des tirs intermittents dont on ignorait l’origine étaient entendus en soirée dans la capitale Tripoli.

Les artères principales ont été bloquées par des membres de groupes armés, certains en uniforme et d’autres en civil munis de kalachnikovs, arrivés à bord de véhicules militaires. Pris de panique, les habitants sont vite rentrés chez eux et les commerces et les cafés ont baissé leurs rideaux.

La venue de M. Sarraj fait craindre aux habitants de Tripoli des affrontements entre partisans des autorités non reconnues installées par la coalition de milices de Fajr Libya et ceux favorables au gouvernement d’union.

Ce dernier est rejeté aussi bien par le cabinet et le Parlement de Fajr Libya à Tripoli, que par ceux installés dans l’Est, même si certains de leurs membres lui ont apporté leur soutien.

"Ceux qui sont entrés illégalement et clandestinement doivent se rendre ou revenir sur leurs pas", sinon ils devront "assumer les conséquences légales", a déclaré dans une allocution télévisée, Khalifa el-Ghwell, chef du gouvernement non reconnu, en dénonçant comme "illégal" le gouvernement de M. Sarraj.

De son côté, le vice-président du congrès général national (CGN, parlement non reconnu) Awad Abdelsadeq, a affirmé que M. Sarraj et les membres du Conseil présidentiel "sont entrés illégalement" en Libye "avec l’aide de soldats et de quelques traîtres".

– La priorité à la ‘réconciliation’ –

M. Sarraj, également président du Conseil présidentiel (CP), est arrivé avec six des membres du CP depuis la Tunisie à la base navale de Tripoli à bord d’un bateau militaire libyen escorté de navires, selon la page officielle Facebook du CP.

Il a été accueilli par des hauts gradés de la marine vêtus d’uniformes bleu foncé et portant des casquettes blanches et des responsables locaux, dont Aref el-Khoja, ministre de l’Intérieur du gouvernement de Fajr Libya, signe d’une division au sein des autorités de Tripoli.

Dans une brève allocution, M. Sarraj s’est engagé à faire de la "réconciliation et du règlement de la crise sécuritaire et économique" sa priorité.

Alors que l’enceinte extérieure de la base est gardée par des véhicules armés de batteries antiaériennes et arborant le sceau du ministère de l’Intérieur, des hommes armés en civil assuraient la protection de Fayez el-Sarraj. On ignorait dans l’immédiat où siègera son gouvernement.

L’ONU, l’Union européenne, l’Italie et la France ont pour leur part salué l’arrivée de M. Sarraj, après avoir exprimé pendant des mois leur souhait de traiter avec une autorité unifiée en Libye pour sortir le pays du chaos et faire face à la montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

L’émissaire de l’ONU en Libye, Martin Kobler, s’est félicité d’une "étape importante dans la transition démocratique en Libye" et appelé à un transfert de pouvoir "pacifique".

– ‘Décision courageuse’ –

L’Union européenne a elle estimé crucial "pour les institutions et parties prenantes libyennes de montrer leur soutien et travailler" avec le gouvernement d’union.

La France a salué une "décision courageuse" pour la Libye, livrée aux milices depuis la révolte qui a chassé le dictateur Mouammar Kadhafi du pouvoir.

Dès l’arrivée de M. Sarraj à Tripoli, des habitants avaient laissé éclater leur joie en klaxonnant dans les rues du centre-ville. Les Tripolitains espèrent que le CP "pourra servir le pays et son peuple", a écrit Najiya sur la page Facebook du gouvernement.

Alors que le pays est en proie aux violences et aux luttes de pouvoir avec une multitude de milices armées, la situation peut déraper si M. Sarraj restait dans la capitale, selon les observateurs.

Le gouvernement d’union a été mis en place après un accord politique signé fin 2015 au Maroc, sous l’égide de l’ONU, par des députés des deux Parlements rivaux et ce, malgré l’opposition des chefs de ces institutions.

Pour être officiellement investi, il devait obtenir la confiance du Parlement de Tobrouk. Après plusieurs échecs faute de quorum, l’entrée en fonction du gouvernement a finalement été proclamée le 12 mars sur la base d’un communiqué de soutien publié par une centaine de parlementaires de Tobrouk (sur 198).

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