La France lance un programme de modernisation de l’armée libanaise
La France lance lundi, avec de premières livraisons d’armes, un vaste plan de modernisation des forces armées du Liban, pays directement menacé par le conflit syrien et la poussée jihadiste.
Au total, la France va livrer 250 véhicules de combat ou de transport de troupes et matériel, sept hélicoptères Cougar, trois corvettes et de multiples équipements de reconnaissance, d’interception et de communication pour un montant de trois milliards de dollars (2,8 milliards d’euros), financé par un don saoudien, détaille-t-on au ministère français de la Défense.
Ce contrat symbolise à lui seul tous les enjeux de la région, avec en toile de fond une rivalité croissante entre l’Arabie saoudite et l’Iran, impliquées toutes deux dans le conflit syrien qui déborde sur le Liban.
Outre les livraisons d’armes, étalées jusqu’en 2018, ce contrat surnommé Donas (Don Arabie saoudite) comprend un important volet de formation de l’armée libanaise pendant sept ans ainsi qu’une maintenance des équipements sur dix ans.
"L’idée c’est de former une nouvelle génération (de militaires). C’est ce que les Saoudiens, nous-mêmes et les Libanais voulaient", souligne-t-on au ministère français de la Défense.
Des centaines d’officiers, sous-officiers et soldats seront formés en France et au Liban à l’utilisation de ces matériels mais aussi plus largement aux doctrines d’opération interarmées. Les forces libanaises comptent 70.000 hommes environ.
Quinze ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), le Liban reste fracturé entre un camp hostile à Damas et un autre partisan de la Syrie et de l’Iran.
Le conflit syrien exacerbe ces divisions, le Hezbollah, puissant mouvement armé chiite libanais, soutenu par Téhéran, ayant volé au secours du président syrien Bachar el-Assad tandis que les jihadistes sunnites se font de plus en plus menaçants aux frontières du pays.
– Inquiétudes israéliennes –
Pour l’ancien général Hisham Jaber, président du Centre du Moyen-Orient pour les Etudes et Relations publiques à Beyrouth, les livraisons Donas risquent de trop tarder face à ces défis sécuritaires.
"L’armée libanaise ne peut pas attendre, elle a besoin d’urgence d’hélicoptères pour transporter ses unités d’élite" sur le terrain, s’inquiète-t-il, alors que les premiers Cougar ne seront livrés que dans deux ans et demi.
"Il faut au moins 10 milliards de dollars pour avoir une armée efficace", estime-t-il. L’Iran a aussi annoncé son intention de fournir des équipements mais sa proposition ne fait pas l’unanimité au sein des autorités libanaises.
Américains et Britanniques sont de leur côté déjà très impliqués dans la formation des forces libanaises. Les Etats-Unis ont fourni une assistance militaire de plus d’un milliard de dollars depuis 2006, selon l’ambassade américaine à Beyrouth.
Hélicoptères et corvettes doivent d’abord être fabriqués, rétorque-t-on à Paris. En 2015, les équipements livrés – appareils de vision nocturne, véhicules blindés et légers, drones légers, moyens de déminage – seront prélevés sur les stocks de l’armée française afin de répondre aux besoins les plus urgents, ajoute-t-on de même source.
Jean-Yves Le Drian se rendra d’abord en Jordanie samedi et dimanche où il rencontrera le roi Abdallah ainsi que les pilotes de Mirage 2000D français qui bombardent depuis ce pays les positions de l’organisation Etat islamique en Irak.
Au Liban, sans président depuis mai 2014 en raison des antagonismes politiques liés à la guerre en Syrie, il aura des entretiens avec le Premier ministre Tammam Salam et le président du Parlement, Nabih Berri.
Outre les livraisons d’armes au Liban, un "dialogue est aussi en cours autour de la formation des unités d’élite jordaniennes", note-t-on au ministère de la Défense en soulignant que ces pays sont tous deux confrontés à la menace jihadiste et à l’afflux de réfugiés du Liban.
Le programme Donas n’est pas sans inquiéter Israël, qui craint que certaines armes et moyens de communications ne tombent entre les mains du Hezbollah. "L’armée libanaise est déjà bien infiltrée par le Hezbollah (..) Mais on comprend aussi la nécessité de renforcer les capacités de l’armée libanaise", relève un responsable israélien sous couvert de l’anonymat.
Côté français, on note que l’armée française sera au côté de l’armée libanaise pendant sept ans. "Cela nous donne un certain degré d’assurance sur le fait que les équipements seront bien utilisés", souligne-t-on au ministère de la Défense.