L’Institut Mohammed VI de Rabat un rempart contre l’ignorance et l’intégrisme
Le Maroc s’est doté, fin mars, d’un Institut destiné à la formation des Imams, des prédicateurs et prédicatrices. Nombre d’observateurs, des plus avertis de la chose religieuse, ne tarissent pas d’éloges sur la mission éducative de cet Institut et d’en souligner la dimension transfrontalière et internationale.
Construit dans un temps record, moins de 8 mois (le Souverain avait lancé les travaux le lundi 12 Rajab 1435 de l’Hégire, correspondant au 12 mai 2014), l’Institut Mohammed VI de Rabat est une merveille architecturale. Le génie architectural marocain s’y déploie avec finesse. Au premier regard on est frappé par la beauté des formes et la justesse des lignes et des dessins. La palette des couleurs du zellige est impressionnante. L’agencement des espaces est admirable. Erigé sur une surface avoisinant les 2,8 hectares l’Institut est structuré autour de grands espaces qui se complètent parfaitement bien. Pas moins de 17 salles de cours, 2 amphithéâtres, une bibliothèque (2 niveaux), 6 salles réservées au cours d’informatique. Un grand restaurant, une buvette, différents locaux (laverie, cuisine, réserve) et 318 chambres d’une capacité de 700 lits, complètent le dispositif.
Quant au staff enseignant, il est d’une qualité exceptionnelle des enseignants, de leur dévouement et de leur disponibilité. La bonne gouvernance y trouve également son compte. La direction de ce magnifique lieu et ce projet éducatif revient à Mr Abdeslam Lazaar, un pédagogue averti, un homme d’expérience (ex-inspecteur de l’enseignement, lui-même enseignant et Imam), disponible et courtois, aidé par un staff administratif volontaire. Le tout fait de cet Institut de formation des Imams, prédicateurs et prédicatrices un lieu d’étude, d’enseignement et de formation unique.
La mission principale de l’Institut Mohammed VI de Rabat est d’ordre éducatif ; avec des ramifications importantes, à savoir des fonctions de sensibilisation, d’immunisation et de préservation de la religion et des croyants contre les dérives et les déviances qui sont le propre d’un enseignement inadapté et anarchique.
Sur le fond, l’Institut dispense un enseignement spécifique qui fait de la doctrine acha’ârite, du rite malékite et du soufisme sunnite (professé par l’Imam al Jounaïd) son socle de base. Ce corpus, qui une marque, une constance, de la pratique et de l’histoire religieuse du Maroc, qu’il a en partage avec nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, se caractérise par sa grande capacité de promouvoir les «valeurs de tolérance, du juste milieu et de modération prônées par l’Islam ». La vague de terrorisme que connaît le monde aujourd’hui, et qui se réfère injustement à l’Islam, est à mil lieux de cette pratique tolérante et modérée de la religion.
Le quatrième pilier sur lequel s’appuie solidement cet enseignement est formé par « Imarat al-Mouminine » qui joue, dans cette construction doctrinale et théologique prouvée par l’histoire marocaine, un rôle décisif. Chargée de la défense de la « mîla wa dîne », elle est la garante de sa préservation et de sa protection des dérives et des innovations (bida’). Les réformes sociétales que le Maroc a enregistrées ces deux dernières décennies (création de Conseils des oulémas, formation des élites religieuses, code de la famille) ne sont donc pas fortuites. Elles sont raisonnées et répondent à la nécessité d’une pratique religieuse centrée sur le respect des croyances et des différences (Cf. le préambule de la Constitution de 2011).
La «Commanderie des croyants », exercée par les Sultans et les Rois du Maroc depuis des siècles, telle une « Vigie », veille au bon fonctionnement de tout le système. C’est un élément clef de la «singularité marocaine ». Elle est le ciment qui consolide l’unité de la Nation marocaine et assure la stabilité du pays.
Le concept « de sécurité spirituelle » prend ainsi tout son sens. L’extrémisme religieux qui se revendique de la religion musulmane, désorganise et affaibli les Etats, faisant des victimes civiles par milliers. La sécurité au sens militaire et policier du terme ne peut par conséquent, à elle seule, suffire pour éradiquer ce mal et combattre ses méfaits notamment sur la jeunesse. L’éducation, la formation, la pédagogie sont, à ce titre, fondamentales. C’est par leur entremise que l’on peut combattre efficacement l’ignorance qui conduit à l’extrémisme, comme l’a souligné le Ministre marocain des Habous, « La religion islamique a besoin (…) d’être protégée de ceux qui prétendent détenir le savoir religieux, des extrémistes et des ignorants ».
C’est cette vision d’un Islam des lumières, éclairé et ouvert aux autres et à son époque, qui explique la volonté du Souverain marocain d’ouvrir les portes de l’Institut aux étudiants (soit 447) de pays africains (Mali, Côte d’Ivoire, Guinée…), européens (France) et arabes (Tunisie) afin de permettre « aux bénéficiaires de s’imprégner des préceptes modérés et de tolérance de l’Islam qui rejette l’extrémisme et l’exclusion » (A Taoufiq, Ministre des Habous).
La mission de l’Institut Mohammed VI de Rabat est donc explicite et affirmée : protéger la religion et les croyants des extrémistes et des ignorants. Les pays qui envoient leurs cadres religieux se former à Rabat ont compris tout l’intérêt de cette mission éducative portée au plus haut degré de l’excellence par le Maroc. Elle tient compte de leur spécificité culturelle et respecte leur mode de vie et de gouvernance. Ce n’est pas une « formation clef en main » à l’instar de ce qui se fait dans le domaine du textile ou de l’automobile, mais une formation théologique adaptée, avec un volet profane moderne (Communication, histoire, informatique…), répondant aux défis d’aujourd’hui.
La France n’est pas en reste. L’Union des Mosquées de France, institution cultuelle et culturelle française, a choisi de former ses Imams (une cinquantaine par an) au Maroc. C’est pour mettre ses mosquées à l’abri des « ignorants et des extrémistes » qu’elle les a inscrits à la formation proposée par l’Institut Mohammed VI de Rabat. Il aurait été regrettable qu’il n’en soit pas ainsi.
Par Mohammed Mraizika,