Tu ne sais pas pourquoi mais c’est en pensant à la partie de Tutti d’hier soir que tu as entamé une longue réflexion sur la nécessité de rebattre les cartes, question paysage politique. Tu es toujours face à ton ordi, exactement sous la clim et les yeux mi-ouverts. C’est ta posture Lotus à toi quand tu réfléchis à ton pays, aux partis de ton pays, à la classe politique de ton pays.
« A quoi servent les partis ? », lâches-tu. Ta desk share te dévisage à la dérobée. Elle ne parle jamais politique, question de principe. Même le « hirak » du Rif ne lui a pas fait changer d’avis. Tu as toujours su que ta desk share, toute développeuse qu’elle est, était plus dans le trip « à- la- recherche- du- mari- qui- sera- le- mien ». Tu as beau lui expliquer qui est Zefzafi, le réparateur de téléphone devenu zaïm autoproclamé, elle reste imperméable à toutes tes informations. Le makhzen, elle ne connaît pas et elle s’en porte très bien, hamdoulillah.
Heureusement qu’elle est là ta cousine la communicante qui vient se découvrir une soudaine passion pour cette jeunesse marginalisée et anti-système, pour nourrir tes pensées sur le PPM, paysage politique marocain. Devenue militante du clavier, elle est de toutes les pétitions sur Avaaz, le site des pétitions citoyennes. Sur facebook, ses postes expriment son tempérament de feu et sa quête de justice. C’est en tout cas ce qu’elle croit. Toi, tu penses qu’il faudra que tu t’intéresses plus à l’opinion publique digitale, celle qui défait la nuit ce qu’elle a fait le jour. Ton boss a toujours soutenu que les réseaux sociaux étaient un immense supermarché où l’on trouve tout et son contraire, où même les fake news deviennent de vraies infos. Ton boss a parfois des réflexions pertinentes. Tu le dis non pas parce que t’es un fayot mais parce que tu le penses vraiment. « Tu connais la dernière ? », te balance ta cousine sur whatsapp. Non, tu ne connais pas la dernière et comme tu as encore quelques heures à tirer devant ton clavier, tu veux savoir quelle est la dernière made in ta cousine. « Hé bien tiens- toi bien. Ne voilà-t-il pas qu’un parti de l’opposition a demandé aux députés de rendre les tablettes et les I Phone distribués gracieusement par le président de la chambre ? Comme si ça allait régler les problèmes de chômage et de précarité. Zaama, un député qui rend sa tablette, c’est un emploi de trouvé ? Non mais tu te rends compte, c’est la dernière trouvaille du PAM !!! »
Parfois, l’indignation de ta cousine a du sens. C’est très rare. Mais quand ça arrive, ça vaut le détour. Très vite tu récapitules pour ne pas perdre le fil. Le connecté Habib El Malki, président de la chambre basse de son état, a distribué des tablettes et téléphones portables aux élus de la Nation. Son prédécesseur l’avait fait avant lui, histoire de digitaliser l’action parlementaire. Des députés connecting people, c’est quand même mieux que des députés analphabètes. Un parti de l’opposition s’en va-t-en guerre contre ces tablettes. Il faut les restituer, histoire de montrer qu’on est des enfants du peuple. Suffisant pour gâcher ta journée. Tu éteins ton ordi. Tu prends ta tablette à toi et ton I Phone qui ne faisaient pas partie de la distribution de Malki et tu décides de rentrer chez toi pour une très longue sieste. Ta manière de protester contre la bêtise partisane tout évitant les risques du sit in…