France-Afrique-patrimoine:

Une mémoire volée et des dizaines de milliers d’oeuvres d’art pillées

Impossible de continuer d’ignorer ces dizaines de milliers d’oeuvres d’art pillées sur le continent africain au cours de l’ère coloniale. Anormal aussi que les conservateurs des musées des civilisations africaines peinent à adopter une stratégie commune contre tout un système de pillage et d’appropriation des objets d’art africain, et n’arrivent pas à réunir les conditions nécessaires pour la réception et la conservation de ces objets.

Une initiative timide a été lancée par le gouvernement de Benin qui a pu récupérer ces derniers mois une trentaine de pièces originaires de ce pays, seul au continent noir à avoir demandé une telle restitution. Il s’agit d’une dizaine de statues, des trônes, des portes sculptées et autres objets ayant appartenu aux rois de Dahomey.

Houda Alfchtali

C’est une richesse énorme (85% à 90 % du patrimoine africain) qui serait aujourd’hui hors de son continent d’origine. La France, à elle seule, détient quelque 90.000 œuvres, dont plus de 60.000 ont été acquises pendant la période coloniale (1885-1960) et placées au grand musée du quai Branly de Paris. Vieux de plusieurs siècles, ces objets d’art représentent une valeur culturelle et patrimoniale considérable, dont le pillage n’est pas encore terminé.

Cette appropriation injuste et inhumaine fait du continent noir la première victime d’un pillage artistique, voire d’un crime que des pays comme la France, la Grande Bretagne, l’Italie et autres, commettent au nom de la culture, de l’amour de l’art et de l’échange artistique.

Une situation cruciale qui a déjà ravivé le débat franco-français sur la colonisation et les biens spoliés, qui ne peuvent être restitués sans une modification du code du patrimoine français axé sur trois principes : inaliénabilité, imprescriptibilité, et insaisissabilité. Lesquels principes rendent impossible toute restitution.

Cette situation exceptionnelle au monde doit amener aujourd’hui la France à reconnaître et à réparer les dommages subis par l’Afrique, en s’orientant vers l’instauration de nouveaux rapports culturels et artistiques basés sur une mémoire relationnelle repensée. Une telle restitution serait donc le début d’un équilibre planétaire culturel et artistique où tout un patrimoine reprendrait sa place et où l’identité de tout un continent surgirait et donnerait les outils nécessaires pour une renaissance et un éveil africains tant attendus.

Dire néanmoins que ces objets d’art furent pillés uniquement par l’Etat français, c’est ignorer l’existence de ces pilleurs africains et de ce marché de trafic d’art déjà connu des musées français et européens.

Dans leur dernier congrès tenu à Dakar début 2020 sur la restitution des œuvres spoliées, les conservateurs des musées d’Afrique ont mis le doigt sur tout un système de pillage et d’aliénation, et exigé que soient rendus au continent africain ‘’les objets saisis dans certains contextes militaires avant 1899 (première convention de La Haye codifiant le droit de la guerre), les objets collectés lors de missions scientifiques, les objets donnés aux musées français par des agents de l’administration coloniale ou leurs descendants et les objets acquis après 1960 dans des conditions avérées de trafic illicite’’.

Source de grosses inquiétudes pour l’ensemble du continent africain, cette situation des œuvres africaines pillées se place aujourd’hui parmi les priorités majeures de l’association française ‘’Patrimoine et culture’’ qui prône la restitution des œuvres africaines comme un acte qui contribuerait à ‘’réparer l’histoire’’.

Dans un communiqué publié le 13 mars 2021 dans le journal ‘’Le Monde diplomatique’’, l’accent a été sur la nécessité de mettre en exécution d’ici à cinq ans, la restitution des oeuvres africaines, en recommandant ‘’un accord bilatéral entre l’Etat français et chaque Etat africain concerné par la restitution de ses biens culturels, notamment d’objets des collections de musées, sortis de leur territoire d’origine pendant la période coloniale’’.

La décision de mettre en application ou non cette proposition appartiendra au président français, Emanuel Macron, seul habilité à trancher sur le sujet.

 

*Poétesse (anglais et français); Déléguée au Maroc du Forum Africain ‘’Afropoésie’’; Déléguée au Maghreb du Forum international de poésie ‘’Motivational Strips’’;  Auteure de ‘’My Words and Worlds’’ ,’’Shades of My Soul’’ , ‘’The Edge of the blue’’, ‘’Femmes Rêves’’ et ‘’Femmes Ecrites’’.

 

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