Conseil national des imams de France : Macron pourrait-il se déjuger ?

Alors que la mosquée de Paris s’apprête à proclamer la création d’un Conseil national des imams de France (CNI) le 21 novembre 2021, sur la base du projet du Conseil français du culte musulman (CFCM), acté le 18 novembre 2020 devant le président Emmanuel Macron à l’Elysée et son ministre de l’Intérieur, le CFCM annonce également la naissance de son CNI le 12 décembre prochain.

Le projet de mettre en place un CNI, destiné à doter les imams d’un cadre et d’un statut clairement établis dans le cadre de la lutte contre les dérives extrémistes, a été porté par le CFCM avec l’adhésion de l’ensemble des fédérations le composant, avant que le recteur de la mosquée de Paris ne claque bruyamment la porte de cette instance représentative de l’islam de France. Motif officiel: dénoncer  les « influences » islamistes au sein de l’instance.

Dans son putsch contre le CFCM, le recteur de la mosquée de Paris Chems eddine Hafiz, qui se rêve en porte-drapeau de l’islam de France, avait rallié à lui trois autres fédérations dont deux sont notoirement connus pour leur proximité avec les islamistes. Outre la GMP, proche d’Alger, Musulmans de France, ex-UOIF (mouvance des Frères musulmans), le Rassemblement des Musulmans de France (RMF), proche du MUR, le bras idéologique du parti islamiste marocain PJD, et la FFAIACA. Ces quatre fédérations réunies n’avaient obtenu que 12 élus sur les 44 élus (27%) aux élections du CFCM de 2019, auxquelles avaient participé plus de 1000..

Mohammed Moussaoui, président du CFCM et à la tête de l’Union des musulmans de France (UMF) qui a 18 élus, a appelé à des assises départementales qu’il prévoit le 12 décembre 2021 pour annoncer la création du Conseil national des imams. Il dénonce également le détournement par les quatre fédérations du travail fait par son instance.

« L’initiative de la coordination des quatre fédérations constitue un détournement du travail fait sous l’égide du CFCM », a-t-il fait savoir dans un communiqué, ajoutant qu’il « se réserve le droit d’agir par tous les moyens légaux pour faire cesser cette attitude irresponsable qui ne fait qu’aggraver une situation de division préjudiciable à tous ».

Deux conseils des imams sont donc sur la table. Quelle en sera l’attitude des pouvoirs publics ? Interrogé sur sa participation à la réunion ce dimanche de la mosquée de Paris et des trois autres fédérations pour annoncer la création de leur CNI, le Bureau du culte du ministère de l’Intérieur dit « ne pas avoir encore pris de décision ».

Macron: « Nous allons nous-mêmes former nos imams et nos psalmodieurs (…) Ce que je vous décris là, ça n’est pas l’État qui le fera, en vertu même du principe de séparation, ce sera au Conseil français du culte musulman. Mais je lui fais confiance et c’est une responsabilité immense que nous lui confions ». (discours des Mureaux le 2 octobre 2020)

Il est certain que toute décision des pouvoirs publics sera scrutée à la loupe. Et pour cause ! Le 2 octobre 2020, le président Macron prononçait un important discours aux Mureaux sur le thème de la lutte contre les séparatismes. Dans son allocution, le chef de l’Etat évoquait « l’ambition de former et promouvoir en France une génération d’imams mais aussi d’intellectuels qui défendent un islam pleinement compatible avec les valeurs de la République ».

« Ce dont nous sommes convenus avec le Conseil français du culte musulman, c’est que d’ici à 6 mois au plus tard celui-ci allait finaliser un travail largement commencé depuis plusieurs mois et indispensable. Un travail qui consiste premièrement à labéliser des formations d’imam dans notre pays. Deuxièmement, à assumer une responsabilité cultuelle qui sera celle de la certification des imams (…)», avait-il précisé.

Et au président de poursuivre : «  Nous allons nous-mêmes former nos imams et nos psalmodieurs (…) ce que je vous décris là, ça n’est pas l’État qui le fera, en vertu même du principe de séparation, ce sera au Conseil français du culte musulman. Mais je lui fais confiance et c’est une responsabilité immense que nous lui confions ».

A la veille de la naissance des deux Conseils des imams, les regards se portent vers l’Elysée et les questions ne manquent pas. Quelles instructions donnera l’Elysée ? Quelle sera la position de Macron, alors qu’il affirmait  faire confiance au CFCM pour mener à terme le projet du CNI ? Pourrait-il se déjuger ? Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, chargé des cultes, donnera-t-il son feu vert au Bureau des cultes pour assister à la réunion du 21 novembre ?

Autant de questions qui appellent des réponses. Une chose est sûre, la séquence à venir dans la gestion de l’islam de France sera trouble et mouvementée. Les ambitions obsessionnelles du recteur de la mosquée de Paris, toujours à la recherche d’une légitimité jamais acquise, y sont pour beaucoup.

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