Abdellah Boussouf: pour optimiser l’apport de la diaspora marocaine, il faut une politique publique efficace

Célébrée chaque 10 août, la journée nationale du migrant était particulière à plus d’un titre cette année sur fond de crise sanitaire mondiale. L’arrivée massive de Marocains du monde (MDM) dans leur pays d’origine, grâce à l’intervention royale pour faciliter leur retour par voie maritime ou aérienne à des prix symboliques, a été un événement majeur. Autre fait marquant, la publication du rapport de la Commission spéciale pour un nouveau modèle de développement dans lequel on réaffirmé à nouveau le rôle des MDM comme force et atout dans le processus du développement du pays, doublé d’un appel au renforcement du Conseil de la communauté marocain à l’étranger. Selon Abdellah Boussouf, Secrétaire général du CCME, pour optimiser l’apport des MDM, il faut une politique publique efficace. Le CCME a cumulé, souligne M.Boussouf, une expérience considérable qui lui permet d’être le lien entre les compétences issues de l’immigration marocaine et les différentes institutions intéressées par leur apport, qu’elles soient du secteur publique ou privé.

Quelle est la symbolique de cette journée du Migrant dédiée aux Marocains du monde ?

Abdellah Boussouf: On commémore la journée nationale du migrant le 10 août de chaque année depuis 2003. Célébrer donc cette journée est symbolique à plusieurs égards.

Instituée par Sa Majesté le Roi, cette journée est d’abord dédiée à se réjouir du lien exceptionnel et indéfectible entre les Marocains du monde et leur Roi qui veille à la protection de leurs droits et à leur bien-être jusqu’au moindre détail. Les Marocains du monde ont une place primordiale dans les différents discours et stratégies de Sa Majesté qui les écoute et les entoure de Sa Sollicitude, on se rappelle à titre d’exemple il y a quelques semaines l’intervention royale pour faciliter leur retour en ordonnant aux compagnies aériennes de pratiquer des prix plus bas.

Elle est symbolique du point de vue territorial, puisque depuis 2015, plusieurs ateliers et rencontres d’échanges sont organisés pour célébrer cette journée dans les différentes provinces et région du Royaume avec la présence des membres de la communauté marocaines à l’étranger qui peuvent désormais s’informer de près des besoins et opportunités de leurs régions d’origine.

Pour nous, en tant que conseil consultatif, cette journée est une occasion de se rapprocher à la fois de nos partenaires institutionnels au Maroc et des Marocains du monde qui nous sollicitent au quotidien. L’objectif est avant tout d’informer et de communiquer sur nos réalisations, études, publications et notre expertise cumulée dans différents domaines liés à la migration depuis près de 14 ans.

Plus que jamais, la diaspora marocaine est au centre de l’essor de leur pays. Comment peut-on en tirer de meilleurs résultats de son  engagement ?

L’essor du Royaume s’opère dans tous les secteurs et tous les domaines qui affichent tous les jours de nouveaux besoins et imposent de nouveaux challenges. Tous les acteurs institutionnels savent aujourd’hui que l’apport des Marocains du monde est essentiel et incontournable, le rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) souligne d’ailleurs qu’ils constituent une force et un atout précieux dans le processus de développement du pays.

On ne le dira jamais assez, optimiser cet apport nécessite une politique publique efficace à l’égard des Marocains du monde dans l’objectif de les impliquer dans les chantiers nationaux. Nous avons déjà une feuille de route, celle de la Constitution de 2011, dont nous devons sans attendre appliquer les dispositions, notamment en ce qui concerne la représentativité des Marocains du monde dans les conseils de gouvernance ou encore le renforcement du rôle du CCME qui est d’ailleurs prêt à participer avec son savoir scientifique et son expertise à la mise en place de ces politiques publiques.

Mis à part ces dispositions, nous devons prendre conscience que la migration et les Marocains du monde ne constituent pas un dossier à traiter mais une dimension à intégrer dans tous les secteurs. Si par exemple nous sommes aujourd’hui amenés à élaborer une politique de santé publique, nous devons intégrer la dimension diaspora qui va nous apporter une expertise mondiale et des compétences hautement qualifiées, pareil pour l’éducation, pour l’art, pour les questions sociales ou environnementales, enfin pour tout ce qui touche à la vie publique.

Le rapport de la CSMD plaide pour un renforcement du CCME. Comment comptez-vous redéployer vos actions en faveur d’une meilleure représentativité des MDM ?

La Commission spéciale sur le modèle de développement réitère dans son rapport l’importance de la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles, pour une meilleure représentation de notre diaspora, plus particulièrement à travers le renforcement du CCME.

En ce sens, notre institution a développé un savoir-faire scientifique sur la globalité des questions liée à la communauté marocaine à l’étranger dans sa diversité. Grace à son approche participative, le CCME s’est ouvert au fil des années sur la majorité des acteurs actifs de la diaspora marocaine dans les quatre régions du monde. L’échange permanent avec la société civile issue de l’immigration marocaine et le lien établi avec les membres de la communauté marocaine de différentes sensibilités nous a permis de connaitre profondément les spécificités des catégories.

Ce savoir-faire dont dispose le CCME permet de garantir la meilleure représentativité possible non seulement au sein du CCME mais aussi proposer les profils adéquats pour assurer la participation des Marocains résidant à l’étranger aux institutions consultatives et de gouvernance, comme le souligne l’article 18 de la Constitution.

Quels liens entretient le CCME avec la diaspora juive marocaine à l’étranger ?

Consciente de l’importance de la composante hébraïque dans l’identité marocaine, la clairvoyance de Sa Majesté le Roi, que Dieu l’assiste a veillé pour une représentation des membres de confession juive dans la composition du CCME.

La richesse de notre identité nationale indivisible s’installe particulièrement dans la diversité de ses composantes et affluents. Dans ce cadre, le Conseil donne une importance particulière aux Marocains de confession juive résidants à l’étranger dans toutes ses activités en faveur de l’immigration marocaine.

Dans le but et d’approfondir la réflexion sur les questions liées à la communauté juive marocaine à l’étranger, le CCME a organisé en 2018 une conférence internationale sous le thème « Judaïsme marocain : pour une marocanité en partage » avec la participation de 250 Marocains de confession juive, vivant au Maroc et à l’étranger. Plusieurs thématiques ont été discutées lors de cette conférence et plusieurs projets et partenariats ont été élaborés, dont quelques projets en phase de mise en œuvre.

Les mesures sanitaires imposées par la Pandémie ont perturbé la tenue de divers programmes qui s’inscrivent dans ce cadre, mais cela n’empêche pas la continuité de notre travail pour le renforcement du lien avec la communauté juive marocaine à l’étranger et promouvoir une synergie au sein de la communauté marocaine à l’étranger, une nécessité primordiale pour mieux confronter les défis dans les pays d’accueil.

Il est question de resserrer les liens culturels et immatériels avec la diaspora marocaine à l’étranger. Quel rôle pourra jouer votre plateforme Awacer dans ce domaine ?

Il s’agit d’une plateforme numérique à travers laquelle le Conseil veille à maintenir les liens culturels et religieux avec les Marocains du Monde.

L’idée derrière la création de cette plateforme digitale est de toucher le plus grand nombre de jeunes issus de l’immigration marocaine dans un contexte de forte turbulence dans les sociétés d’accueil marqués par la montée de l’extrême droite et les répercussions de la crise sanitaire.

S’orienter vers une cible jeune avec une divergence d’aspirations et d’attentes n’est pas une tâche facile. Dans l’absence de médias audiovisuels ou numériques dédiés aux Marocains résidant à l’étranger, Awacer TV essaie, dans la limite de ses moyens, de jeter les premières pierres de cet immense muraille à travers une programmation riche et diversifiée et des talk-shows et des débats qui discutent les grandes questions liées à la communauté marocaine à l’étranger et des émissions mettant la lumière sur les parcours particuliers des talents et des compétences marocains qui brillent à l’étranger

Avec les élections législatives de septembre prochain, les MRE sont à nouveau privés de participation électorale ? 

Les Marocains résidant à l’étranger ne sont pas privés de participation étant donné que cette dernière et un droit reconnue par la Constitution.  La question de la participation électorale des Marocains résidant à l’étranger demeure parmi les questions les plus compliquées qui nécessitent toujours un véritable débat transparent et réaliste de toutes les parties prenantes, notamment les partis politiques et les départements gouvernementaux concernés, à la lumière des dispositions de la constitution et les contraintes juridiques et politiques dans tous les pays de résidence.

Le CCME a consacré un intérêt particulier à cette question à travers un groupe de travail dédié qui a consulté tous les groupes politiques représentés au Parlement et qui a organisé auparavant une rencontre sur la thématique dont les recommandations et conclusions ont fait l’objet d’une publication du CCME qui existe depuis 2013. Jusqu’à maintenant on ne connait pas la raison qui empêche les partis politiques à se mettre d’accord et trancher sur une autre formule précise, consensuelle et réalisable de la participation électorale des Marocains résidant à l’étranger, qui améliore la formule actuelle basée sur le vote par procuration.

 

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