Est-ce que la mort de Ben Laden risque de changer la face du terrorisme ?
Sa disparition ne modifie pas l’étendue de la menace terroriste, et ne fera pas disparaître les attentats, ni en France ni ailleurs. C’est sûr et certain, il y en aura toujours de la part de groupes se réclamant d’Al-Qaeda. Sa mort risque même de susciter des opérations kamikazes. Mais cela va changer le côté mondial du message qui était véhiculé et incarné par Oussama ben Laden. Il a joué un rôle de fédérateur de nombreux groupes d’islamistes de pays et d’horizons divers dans le monde entier, qui avaient signé en 1998 sa charte de lutte contre «les juifs et les croisés». Il a été reconnu sans conteste comme le chef spirituel ou le guide, même s’il n’avait pas de rôle opérationnel, par tous ces groupes qui avaient un rapport assez personnel avec lui. Pour intégrer Al-Qaeda, on prêtait allégeance à Ben Laden, ce qui ne sera pas forcément le cas avec un autre chef qui pourrait être désigné ou élu par Al-Qaeda.
Des adjoints ou porte-parole de Ben Laden comme Al-Zawahiri, lequel dictait déjà ses messages, ne peuvent-ils le remplacer ?
C’est comme si vous me disiez : «Le président de la République est mort. On va le remplacer par le chef d’état-major aux armées.» Al-Zawahiri représente avant tout un groupe terroriste égyptien, mais était aussi le chef opérationnel d’Al-Qaeda. Personne ne s’impose comme l’héritier de Ben Laden, qui était le leader incontesté du jihad et possédait un charisme indéniable. Son apparition le 11 Septembre avec des attaques d’une ampleur sans précédent avait résolument rendu le terrorisme mondial. Fini, les Etats et les pays. Il n’y avait plus dans le monde que la charia (la loi islamique) et la oumma (la communauté des musulmans au-delà des frontières), Al-Qaeda partout. C’est ainsi que Ben Laden a rassemblé toutes ces petites unités autonomes de par le monde dans une nébuleuse.
Quels peuvent être les conséquences de la perte du «fédérateur» ?
Des conséquences en termes de désunion de ces petits groupes qui, avant Ben Laden, étaient plus régionalistes, et vont le redevenir. Ils vont se replier chacun dans leur coin du monde sur leurs préoccupations et leurs cibles respectives, et perdre ainsi leur dimension globale.
En conclusion ?
L’Amérique a tué son plus fidèle ennemi.