Tensions sur l’axe Rabat Washington
Ce qui était un brin soupçonnable par les initiés de la relation entre Rabat et Washington est devenu aujourd’hui une réalité aussi médiatiquement tangible que politiquement palpable. Le torchon brûle froidement entre ces deux capitales qu’une alliance stratégique et politique lie en principe depuis des années. Pour la grande opinion publique, le chapitre des mauvais augures avait débuté avec la visite de Ban Ki-Moon au Maghreb. Le secrétaire général des Nations-Unies s’était permis des libertés de ton et d’appréciation qui contredisaient lourdement sa posture traditionnellement retenue.
Par Mustapha Tossa
C’est dans cette atmosphère de suspicion entre Rabat et Washington qu’est publié le rapport annuel sur les droits de l’homme par le Département d’Etat. A sa lecture, le sang des responsables marocains n’a fait qu’un tour. Non seulement le rapport contient des informations biaisées et des affaires montées de toutes pièces, allant jusqu’à impliquer Abdelatif Hammouchi, l’actuel DGSN dans une scabreuse affaire alors qu’il n’était pas encore en poste. Dans une rare liberté de ton diplomatique, le ministère marocain de l’intérieur a fait savoir toute la frustration et la colère que ce rapport lui inspire. Les mots utilisés pour qualifier le rapport, comme "scandaleux", contenant "des inventions et des mensonges", tranchent lourdement avec la courtoisie compassée qui caractérisait le communication entre Marocains et Américains. Pire, l’ambassadeur des Etats-Unis fut convoqué par le ministre délégué aux Affaires étrangères Nasser Bourita , en présence de Yassine Mansouri, patron de la Direction générale des études et de la documentation.
Pour le Maroc, l’intention américaine de nuire est manifeste. Non seulement tout est instrumentalisé pour polluer l’image du Maroc et sa réputation dans les forums internationaux, le présenter comme un pays qui viole allègrement les droits de l’homme, y compris à travers l’usage de fausses informations et l’abus de sources traditionnellement hostiles au Royaume, mais il ne semble y avoir aucune volonté américaine de reconnaître les grandes avancées opérés par le Maroc. Cette frustration marocaine est d’autant plus aiguë qu’en matière de droits de l’homme et de liberté, le Maroc est un oasis dans un espace de dictatures et de régimes autoritaires.
Cette nouvelle situation impose à la diplomatie marocaine un nouvel exercice d’explication et de pédagogie à l’encontre des décideurs américains. Le Maroc compte même aller plus loin et saisir le Congrès et la justice américaine.
Par ailleurs, la Maison Blanche s’apprête à changer de locataire en novembre prochain. Les conseillers de Barack Obama et une partie de son équipe onusienne, aujourd’hui connus pour leurs critiques acerbes et non justifiés à l’encontre du Maroc, ont de fortes chances de quitter leurs fonctions. Ce qui équivaut pour la diplomatie marocaine à une nouvelle opportunité de créer une fenêtre pour établir de nouveaux rapports de forces.