Qatar/Polisario, « une sympathie » dangereuse !

Quand il y a quelques mois, en plein bras de fer entre le Maroc et l’Algérie, certains médias internationaux affichaient ce titre « les pays du Golfe soutiennent la position du Maroc dans le conflit du Sahara », cela inspirait une unanimité et un consensus de tous les pays du Golfe. A y voir de plus près, un pays comme le Qatar navigue volontairement dans la zone grise, transmettant des  messages confus et des postures contradictoires.

Cette contradiction est à trouver dans les déclarations officielles de l’Etat du Qatar soutenant la démarche marocaine de régler la crise d’Al Guerguerat mais aussi dans cette volonté de laisser l’ensemble des médias appartenant au Qatar exhiber des positions hostiles aux intérêts marocains.

Ainsi sur les écrans de la télévision Al Jazeera à Doha ou Al Araby TV à Londres , deux instruments d’influence massive du Qatar, ces deux chaînes trouvent un plaisir sadique à afficher sur leurs écrans chaque fois qu’ils veulent illustrer un sujet sur le Maroc une carte géographique du Royaume obérée de son Sahara. Comme un signe de défi.

Par ailleurs l’ensemble des sites d’information financés par le Qatar, qu’ils soient d’expression arabophone ou anglophone, sont presque les seuls à publier des tribunes et des articles dont la fonction est d’insuffler le doute sur les performances diplomatiques marocaines et jeter un voile interrogatif sur leurs finalités.

Cette posture et cette double approche interrogent sur les raisons de ce qui peut s’apparenter à une schizophrénie du Qatar. Officiellement, Cheikh  Tamim ben Hamad et son appareil diplomatique sont avec le Maroc. Et en même temps les médias qui dépendent totalement de son financement jouent un jeu trouble avec le Royaume.

La fable de la liberté d’expression, de l’indépendance de ces médias, de la déontologie dont ils peuvent opportunément se gargariser ne trompe personne . Surtout quand on connaît l’intimité de leurs  lignes éditoriales avec  l’agenda politique régional du Qatar.

Et pourtant les relations officielles entre Rabat et Doha sont censées être excellentes. Deux événements récents en ont souligné la dynamique. Le premier est la participation du Maroc au huitième salon de l’agriculture de Doha (AgriteQ 2021) dont on a voulu y voir le signe de « la profondeur des relations entre le Maroc et le Qatar ».

Le second est la participation du Maroc à travers ses forces spéciales aux manœuvres militaires annuelles intitulées « The impregnable Guard 2021 ». Cette participation marocaine s’est faite aux côtés d’autres pays comme l’Italie, la Jordanie, le Pakistan , le Rwanda, la Turquie et les Usa.

La qualité des relations entre Rabat et Doha est censée être à son zénith. Alors que le Qatar subissait une campagne de boycott inédite de la part de ses alliés dans le Golfe, le Maroc avait fait le choix de la neutralité et de la médiation au risque de s’attirer les foudres de ses alliés historiques.

La visite qu’avait effectuée le Roi Mohammed VI à Doha depuis la capitale des Emirats, Abou Dhabi, est restée dans les annales comme un signe majeur de courage et de résilience  politique. Cette visite avait cassé l’isolement du Qatar et installé le Maroc comme un pays médiateur, préférant tenter de renouer les fils du dialogue plutôt que d’appuyer sur les ruptures et les clivages.

Comment expliquer cette position du Qatar à travers ses bras médiatiques, alors qu’on pouvait légitimement s’attendre à ce que Doha puisse être parmi les  premières capitales arabes à reconnaître la pleine marocanité du Sahara et pourquoi pas à ouvrir un consulat dans la ville de Dakhla?

Trois éléments d’analyses peuvent éclairer cette position obscure du Qatar à l’égard du Sahara marocain. Le premier est la présence massive de journalistes d’origine algérienne dans ces médias financés par le Qatar. Ces journalistes participent activement à fabriquer les choix éditoriaux de ces médias. D’ailleurs il n’y a qu’à suivre leurs activités sur les réseaux sociaux pour déceler leur degré d’embrigadement contre le Maroc.

La situation s’aggrave encore plus quand ces mêmes journalistes sont doublés d’une casquette « Frères musulmans ». Or on le sait depuis longtemps, pour accéder à ces médias qataris il faut montrer notamment une disponibilité à épouser les thèses politiques et les agendas militants de l’islamisme politique. L’approche de la confrérie des frères musulmans à l’égard du Sahara marocain est aujourd’hui connue, celle de participer à nourrir la division, la discorde et le chaos comme c’est le cas pour l’islamiste algérien Abderrazak Makri, président du MSP le Tunisien Rached Ghannouchi d’Ennahda.

Le second élément qui pourrait expliquer cette vision confuse est la mainmise iranienne sur la décision politique du Qatar. Depuis son isolement par ses voisins arabes, Doha avait trouvé chez les Iraniens une issue de secours et de respiration à son économie qui lui avait évité de sombrer dans d’abyssales profondeurs. Or l’animosité de l’Iran à l’égard du Royaume du Maroc, comme en témoigne l’instrumentalisation du Hezbollah libanais pour nourrir la guerre au Sahara, est de notoriété publique.

Dernier élément la présence turque au Qatar. Comme l’Iran, la Turquie avait profité de cette crise du Qatar avec ses voisins pour installer des bases militaires. Or la Turquie, dirigée par un leader Frère Musulman, Racep Tayyip Erdoğan, joue un jeu trouble avec les pays du Maghreb. Ankara se plaît à jouer la concurrence entre Rabat et Alger pour faire avancer ses agendas.

Dans une période politiquement sensible, le Maroc est en droit de demander à ses alliés une clarification politique. Il le fait avec beaucoup de courage et de panache à l’égard de ses alliés européens, il doit le faire avec réalisme et sang-froid à l’égard de « ses frères arabes ». Le Qatar doit absolument sortir de cette zone grise dans laquelle il diffuse des postures contradictoires.

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